RECHERCHES SPÉLÉOLOGIQUES

DANS

LA REGION DU PIC SAINT-LOUP

PAR MM.

Maurice GENNEVAUX --------------------------------et Albert MAUCHE

Membre de la Société Géologique de France------------------------------------- Licencié ès Sciences

Fig. 1. Le Pic Saint-Loup vu du château de Montferrand.

 

INTRODUCTION

Les cavités naturelles du département de l'Hérault ont déjà été l'objet de nombreuses études, il nous parait inutile d'en dresser ici la liste, le travail de M. Ferrasse (1), paru dans ce Bulletin même, en donnait l'énumération complète. De l'examen des recherches de cet auteur, il résulte que le département de l'Hérault renferme deux grandes régions spéléologiques : le causse du Larzac, la Séranne, la montagne du Thaurac et le causse de Saint-Guilhem-le-Désert, d'une part; l'arrondissement de Saint Pons, entre les vallées de du Jaur et de la Cesse, d'autre part. M.Ferrasse, ainsi d'ailleurs que M. Martel (2), ne signalent dans le massif calcaire du pic Saint-Loup que la rivière souterraine du Lirou, et mentionnent seulement l'existence dans cette région d'avens encore inconnus.

Nous avons entrepris, au cours des années 1906 et 1907, l'exploration des grottes et des avens de ce massif calcaire du pic Saint-Loup, qui constituera désormais une troisième grande région spéléologique dans notre département. Après avoir conçu un instant l'ambition de faire une monographie complète du sous-sol de notre contrée, nous devons nous contenter aujourd'hui des considérations qui vont suivre. Le nombre des cavités naturelles que cette région renferme est, en effet, considérable; aussi allons-nous nous borner à faire connaître une partie seulement d'entre elles, et à montrer ainsi l'immense champ de recherches qui s'ouvre devant le spéléologue dans la région du Saint-Loup.

Tout comme la région caverneuse des grands causses du Plateau Central (causse Méjean, causse Noir, causse de Sauveterre), le massif calcaire du pic Saint-Loup est, en effet, criblé d'avens et de grottes d'importance variable, dont la formation remonte à une même époque géologique. Le mouvement qui a donné naissance à ces diaclases, parfois gigantesques, est postérieur à l'époque crétacée et parait antérieur à la période oligocène. D'une part en effet, les tables crétaciques de l'Hortus ont subi le contre-coup de ces phénomènes de dislocation ; d'autre part, il n'existe à notre connaissance aucune cavité naturelle dans les terrains supérieurs à l'éocène qui forment la ceinture des dépôts secondaires de notre région.

Cette région se distingue très bien sur une carte géologique. Elle est constituée par l'immense affleurement de jurassique supérieur que limitent au nord la ferme de la Pourcaresse et la combe du mas Rigaud, à l'est les villages de St-Mathieu-de-Tréviers, Saint-Jean-de-Cuculle des Matelles et de Saint-Gély-du-Fesc, au sud Combaillaux et Murles. Elle se relie à l'ouest par Viols-le-Fort et Viols-en-Laval à la région de Saint-Guilhem-le-Désert, fertile, elle aussi, en grottes et en avens. L'exploration spéléologique du causse du pic Saint-Loup est des plus intéressantes, et cela à plusieurs titres.


Fig. 2. - En route pour une exploration souterraine

Tout d'abord, toutes les formes spéléologiques y sont représentées : grotte sensiblement horizontale (Mas-de-Londres), aven vertical (Caravettes, Aven de la Baraque), aven en cascade (aven de la Beaume-Saigner, aven du mas d'Euzet), grotte sèche (grotte de Martin, du Rendez-Vous de chasse), rivière souterraine intermittente (source du Lirou).

En second lieu, la source du Lez, encore bien énigmatique, est la résurgence des eaux souterraines de tout le plateau calcaire, et la solution de cet intéressant problème d'hydrologie sera peut-être fournie quelque jour par l'un de ses abîmes naturels. Enfin, toute notre contrée a été habitée à l'époque, quaternaire par l'homme néolithique, qui a laissé en maints endroits les traces de son passage et les débris de son industrie.

Nous donnerons, pour chacune des cavités que nous avons explorées, des coupes et des plans à l'exactitude desquels nous avons consacré tous nos efforts, ce qui nous permettra de ne pas nous étendre sur la partie purement descriptive.

Nous ne saurions aller plus loin, sans adresser tous nos remerciements aux nombreuses personnes qui ont bien voulu nous prêter leur concours dans les explorations parfois difficiles, toujours dangereuses et pénibles de nos grottes et avens. Qu'il nous soit permis de leur exprimer ici toute notre reconnaissance et d'affirmer en même temps la part importante par elles prises à nos excursions.

Et pour cela qu'elles nous permettent de leur dédier ce memoire auquel elles ont collaboré comme nous puissent ces quelques pages leur rappeler tout au moins les heures vécues en commun dans l'effort anxieux devant l'inconnu et dans l'admiration toujours plus vive des merveilles souterraines jusque-là ignorées et dormant depuis tant de siècles loin du clair soleil de nos garrigues.

Division

Les cavités naturelles situées dans la région que nous avons délimitée plus haut, forment un même groupe auquel nous allons consacrer la plus grande partie des pages qui vont suivre.

Il y aura lieu d'y ajouter un second groupe, constitué par les grottes et avens, situés sur le plateau crétacique de l'Hortus, plateau qui se relie, insensiblement au nord, au causse de Pompignan. Nous ne ferons connaître dans ce travail que les grottes de l'Hortus, dont les orifices se trouvent sur l'abrupt sud, faisant face au pic Saint-Loup, et dominant la combe du mas Rigaud, qui délimite, on s'en tient la région naturelle des dépendances jurassiques du souvSanit-Loup.

Fig. 3. - Le Saint-Loup et l'Hortus vus du col de la Pourcaresse.

 

1 E. Ferrasse. - Les cavités naturelles du département de l'Hérault Bull Soc. Lang. Géog , Montpellier, 1905.

2 E.-A. Martel. Les Cévennes et la région des Causses. Paris, 1890.

 

Premier Groupe

Aven des Caravettes. - Il s'ouvre non loin du village de Murles, sur le penchant sud du mamelon coté 251 sur la carte d'Etat-Major, à 600 mètres à l'ouest de la ferme des Caravettes 1.

Ce gouffre, qui mesure 8 à 10 mètres de diamètre à son orifice, s'enfonce verticalement à 40 mètres de profondeur dans le calcaire tithonique. Un talus en petite raide constitué par les pierres, ossements d'animaux et débris de toutes sortes tombés de la surface, aboutit à un second puits de 10 mètres donnant accès dans une salle ornée de fort belles conerétions c'est la fin de l'aven, d'une profondeur totale de 60 mètres.

Nous l'avons visité à deux reprises différentes, aux mois d'avril et d'août, et n'avons à aucun moment observé les traces du passage de l'eau ; il ne joue donc aucun rôle au point de vue hydrologique.

Il y aurait peut-être lieu de fouiller le talus situé au fond du premier puits, talus actuellement couvert oti(ons, chiens, d'ossements de renards, blaireaux, etc. - on sait que l'on a trouvé dans l'aven de Saint Remèze une grande quantité d'ossements quaternaires appartenant surtout au mammouth, rhinocéros, hyène, cheval, etc.; ces ossements, découverts par des chercheurs de phosphates, sont actuellement déposés dans les galeries du Museum de Lyon. Le talus de déjections de l'aven des Caravettes pourrait peut-être fournir, lui aussi, les restes des animaux tombés dans l'abîme à l'époque quaternaire.


4. - Aven des Caravettes

1 La ferme de Caravette, à environ 2 kilomètres du village de Murles, est une ancienne propriété des consuls de Montpellier ; sur les murs extérieurs se distinguent encore deux inscriptions aux armes de la Ville, vestiges de leur ancienne domination.

2 Descendus au fond du premier puits le 9 août 1900, nous avons repris et complété l'exploration le 29 avril 1906.

Fig. 5. - Grotte de Martin.

Grotte de Martin.- Cette grotte, connue depuis fort longtemps dans la région, s'ouvre à droite de la route de Montpellier à Ganges, à 300 mètres environ de cette route, en face la croix de Valène.

De très petite dimension, et très endommagée par les visiteurs qui ont mutilé toutes les stalactites, elle ne présente guère d'intérêt par elle-même, mais elle a servi d'asile à l'homme quaternaire et mérite pour cela de retenir un instant notre attention.

La grotte débute par un vestibule d'environ 20 mètres de longueur; sur la droite, une salle d'environ 30 mètres se termine en cul-de-sac; elle devait renfermer de fort belles concrétions à en juger par les restes de colonnes et les débris de stalactites qui en garnissent les parois. Sur la gauche, un orifice assez étroit mène dans une salle à peu près circulaire, dont le sol est constitué par une épaisse couche d'argile provenant de la décomposition des calcaires par les agents chimiques.

Nous avons fait exécuter dans cette salle des fouilles qui nous ont donné un grand nombre de fragments de poteries. Ces poteries sont assez primitives, et nous n'avons relevé sur aucune des traces d'ornementation. Nous nous sommes d'ailleurs arrêtés à une profondeur de 1 mètre 50 environ, et des fouilles à une plus grande profondeur donneraient peut-être de meilleurs résultats. Les fragments de poteries se retrouvent encore aux alentours de la grotte, près de l'entrée en particulier. Le néolithique trouvait, en effet, dans la grotte de SaintMartin, un abri bien orienté et sûr, l'accès de la salle des poteries pouvait facilement être interdit, en raison de la faible largeur du couloir d'entrée.

 

Grotte de Coucolières. - Cette caverne, mentionnée par la carte d'Etat-Major, se trouve sur la route de Montpellier à Ganges, au pied de la colline faisant face au mamelon coté 279 sur la carte Elle domine la vallée d'un petit ruisseau qui va se j eter, à droite, dans la Déridière, affluent du Lirou. C'est une simple excavation que l'on apercoit de la route et qui ne presente aucun intérêt particulier.

 

Aven de la Baraque. - Il s'ouvre à l'ouest de la route de Montpellier à Ganges, à 18 kilom. 500 de Montpellier, à 80 mètres de la route. C'est le plus profond de tous ceux de la région l'à pic absolu ne mesure, en effet, pas moins de 120 mètres c'est pourquoi il nous a paru intéressant de le signaler dès maintenant, bien que son exploration en soit encore incomplète, car il vient se ranger parmi les abîmes les plus profonds de notre pays.

L'orifice, assez étroit, mesure trois mètres de largeur sur 5 à six de longueur. L'abîme va en s'enfonçant d'une façon assez accentuée vers l'est conséquence de l'orientation ouest est des couches tithoniques, ainsi que nous l'avons observé dans les diverses grottes de la région. Un à pic de 53 mètres conduit à une petite plate-forme au niveau de laquelle la largeur qui va sans cesse en augmentant, a déjà atteint 15 à 20 mètres.

Le gouffre, encore faiblement éclairé par le haut, devient réellement imposant et impressionnant à la fois, avec ses parois lisses et noires, montant droit au-dessus de la tête et sa gueule béante s'ouvrant silencieusement dans l'inconnu. Arrivés à 70 mètres, nous avons dû nous arrêter faute de cordages d'une longueur suffisante.

Nous avons pu néanmoins reconnaître que l'à pic absolu mesure au minimum 120 mètres, et que les parois s'élargissent brusquement à 35 ou 40 mètres de la plateforme, soit à 90 mètres de la surface du sol; a ce niveau, s'ouvre une grotte de grande dimension, ainsi que nous avons pu nous en rendre compte en jetant de, la plate-forme des blocs de rocher tombés de la surface; la pierre heurte les parois de l'abîme pondant 30 à 40 mètres environ, arrive dans la grotte, ce dont on se rend facilement compte par le changement de son, et là continue à rouler pendant fort longtemps, ce qui indique une profondeur certainement supérieure encore à celle que nous avons donnée.

Il serait intéressant d'atteindre le fond de cet aven, qui traverse probablement toute l'épaisseur des calcaires jurassiques, et qui fournirait peut-être de précieux rensei-nements sur l'hydrographie souterraine de la région (voir plus loin, rivière souterraine du Lirou).

Nous avons dû renoncer provisoirement à en terminer l'exploration, car cette dernière nécessite un matériel beaucoup plus complet que celui que nous avions en 1906, treuil, poulies, téléphone portatif, etc..., matériel sans lequel il serait téméraire de chercher à atteindre le fond du gouffre.


Fig. 6.

Aven dela Baraque

 

Grotte du Rendez-vous de chasse - Elle s'ouvre à droite de la route de Montpellier à Ganges, non loin de la borne kilométrique 27,2; son orientation est-ouest la fait s'enfoncer sous la route même.

Elle débute par une salle de 20 mètres de long sur autant de large, renfermant d'assez belles concrétions et suivie d'une galerie de 30 mètres de longueur. Malgré ses faibles dimensions, cette grotte mérite de retenir particulièrement notre attention; elle a en effet servi de refuge à l'homme quaternaire, et des fouilles exécutées dans le sol de la galerie nous ont révélé la présence de deux planchers sialagmitiques, entre lesquels une couche argileuse de 30 centimètres renfermait de très nombreux débris de poterie intimément associés à des ossements de renne, de cheval, de boeuf. Les ossements de cheval représentés par de très nombreuses dents,absolument identiques à la forme actuelle, étaient très abondants les dents de boeuf peuvent se rapporter à deux individus, l'un plus petit, l'autre plus grand que le spécimen de bos-taurus actuel, auquel ils ont été comparés; les ossements de renne, bien caractérisés, sont représentés par de nombreuses dents isolées, et par deux mandibules inférieures; il n'est pas possible d'émettre de doutes sur la détermination de ces derniers, faciles du reste à reconnaître à l'écartement très grand des denticules, ce qui n'a jaimais lieu chez les cerfs.

Il est intéressant de signaler la présence dans une même couche d'ossements de renne, associés à des débris de poterie, ce qui viendrait confirmer une fois de plus que le renne n'avait pas regagné définitivement les régions septentrionales à la fin du récliauffement magdalénien et que le « tarandien » a pu se prolonger jusqu'au néolithique.

 

Aven du Blaireau. - Cet aven, dont l'entrée était absolument cachée par des ronces au moment de notre première visite, s'ouvre à gauche de la route, non loin de l'aven de la Baraque ; il est constitué par un premier à pic de14 mètres, aboutissant à une salle d'assez bel aspect, suivie d'une seconde salle en contre-bas de plusieurs mètres terminée par nu couloir dont l'entrée, très surbaissée, en permet très difficilement l'accès. Entre les deux premières salles, ou trouve sur la droite un boyau très resserré, dans lequel nous avons retrouvé divers ossements humains d'origine relativement récente.


Fig. S. - Aven du Blaireau.

 

Aven Michel. - Situé à une centaine de mètres environ de l'aven du Blaireau, il a été formé par la rupture d'un point faible de la voûte d'une grotte sousjacente de 20 mètres de long sur 12 de large, creusee dans les calcaires tithoniques du bois de Las. La profondeur de ce petit aven n'atteint que 13 mètres.

Aven Granier - Cet aven, encore inexploré, se trouve à 100 mètres environ de l'aven Michel. Un étroit couloir vertical de 2 mètres de profondeur, au milieu de rochers d'allure tourmentée, conduit à une fissure a peu près horizontale de 4 à 5 mètres de longueur, a l'extrémité de laquelle s'ouvre l'orifice béant de l'abîme. Nous ne sommes pas encore descendu dans cet aven, mais il nous a toutefois paru intéressaut de le signaler dès maintenant, comme exemple d'abîme inachevé.


Fig. 10. - Aven Granier.

 

On sait que les avens proviennent la plupart du temps de cassures superficielles de l'écorce terrestre, consécutives aux mouvements orogéniques survenus aux diverses époques géologiques. Ces cassures verlicales ou diaclases ont ensuite été le plus souvent agrandies par les eaux, par la chute des pierres entraînées par les eaux, d'une facon générale par les divers phénomènes d'érosion et de corrosion. Il est aujourd'hui démontré, à la suite de travaux de M. E.-A. Martel en particulier, que la plupart des avens ont une origine semblable. Un certain nombre d'abîmes verticaux sont dus, d'autre part, à l'effondrement des voûtes de cavités naturelles sous-jacentes préexistantes. L'aven Granier présente précisément l'association de ces deux modes de formation.C'est une cassure verticale résultant d'une dislocation du calcaire tithonique, cassure analogue aux différents gouffres de la région. Mais la surface du sol n'a pas été intéressée par le mouvement qui a donné naissance à l'aven, et celui-ci se trouve ainsi dominé par une voûte de deux mètres d'épaisseur. D'autre part, cette voûte est actuellement disloquée, percée en différents endroits et appelée à s'effondrer le jour où les agents extérieurs l'auront suffisamment désagrégée. Ainsi, l'aven formé en partie par une diaclase verticale, sera achevé par l'effondrement de la voûte qui le domine encore aujourd'hui et qui paraît d'ailleurs bien près de disparaitre

Nous dédions cet aven à notre ami F. Granier, qui l'a découvert et qui a fait une expérience malheureuse du peu de solidité de toute la partie supérieure de cet abime Il se trouvait sur un rocher surplombant l'aven, quand ce rocher s'est brusquement détaché, l'entraîaant avec lui dans sa chute. Un heureux hasard voulut qu'il s'arrêtât sur une plate-forme, à 7 mètres environ de l'orifice, circonstance à laquelle il dut la vie.

 

Grotte du Bois-de-l'Ane.- Cette grotte s'ouvre à droite de la route de Montpellier à Ganges, à 40 mètres environ de cette route, près de la borne kilométrique 25,9. Comme les autres cavités des environs, elle débute par une salle dont le sol, de pente assez rapide, est constituée par des éboulis venant de l'extérieur. A cette première salle de 20 à 25 mètres de long, fait suite une seconde salle de mêmes dimensions, obstruée à son extrémité par un éboulement qui ne laisse à sa partie supérieure qu'un étroit passiee impossible à franchir. Nous n'avons pas fait de fouilles dans cette caverne, mais elle a servi de refuge au néolithique, ainsi que l'indiquent les débris de poteries qu'elle renferme.

Fig. 11. - Grotte du Bois-de-l'Ane.

Aven des Nymphes. - il s'ouvre à droite de la route de Monpellier à Ganges, au pied est du mamelon coté 299 sur la carte d'Etat-Major ; l'orifice seul en était connu dans le pays avant l'exploration que nous en avons faite le 10 mars 1907. Il débute par un puits d'environ 4 mètres de diamètre à l'orifice et 16 mètres de profondeur. Du fond de l'aven, d'un diamètre de 8 à 9 mètres, part une galerie en pente se terminant par un étroit boyau, dans lequel on est obligé de ramper pour arriver dans une salle du plus bel effet. Cette salle, absolument vierge, présente un plancher stalagmitique surplombant de quelques mètres le sol même de la grotte, plancher sur lequel se dresse toute-une forêt de nombreuses et élégantes stalagmites, au-dessus desquelles se détachent d'innombrables stalactites. Cette salle est de beaucoup la plus belle que nous connaissions dans la région la profondeur de l'aven donnant accès dans la grotte l'ayant jusqu'à aujourd'hui protégée contre les profanations des visiteurs. Il faut ensuite effectuer, sur une trentaine de mètres environ, une descente assez périlleuse, où l'emploi des cordes devient indispensable, et l'on arrive au bord d'un second gouffre de 20 à 25 mètres de profondeur, ou nous ne sommes pas encore descendus.

Fig. 12. - Aven et Grotte des Nyrnphes.

 

Grotte de Roubiac. Située à environ 500 mètres au sud de la ferme de ce nom, elle s'ouvre dans le flanc nord-ouest du petit mamelon coté 287. C'est une simple caverne de 10 à 15 mètres de diamètre, dont la voûte est très surbaissée par suite de la grande quantité d'éboulis qui la remplissent ; elle est précédée d'un vestibule auquel on accède par un puits de 5 à 6 mètres de profondeur, que l'on peut aisément descendre sans le secours de cordes. Elle n'aurait guère mérité de retenir notre attention si nous n'avions trouvé dans le vestibule des fragments de poteries qui indiquent qu'elle a été habitée par l'homme néolithique ; il est probable que des fouilles plus considérables dans le talus de la grotte donneraient de meilleurs résultats.

Fi.-. 13.- Grotte de Roubiac.

 

Aven de la Vieille Route - S'ouvre sur le bord même de l'ancienne route de Ganges, non loin de la ferme de Sueuilles, à 300 mètres environ à l'est du point coté 269 sur la carte d'Etat-Major. L'aven de la Vieille Route débute par un puits de 12 mètres de profondeur aboutissant à une grande salle de 20 mètres de long en grande partie envahie par le talus d'éboulement; cet aven comme tant d'autres situés dans le rayon d'alimentation d'eau des sources du Lirou et du Lez, est un véritable foyer d'infection et de contamination ; deux cadavres de boeufs avaient été jetés dans ce trou depuis quelque temps, et c'est sur un véritable charnier que nous nous sommes trouvés dès nos premiers pas.

Fig. 14. - Aven de la Vieille Route.

 

Grotte de Cambous - Cette grotte, très connue dans le pays a une réputation bien surfaite et ne peut compter parmi les plus belles de la contrée il n'est cependant pas un habitant de la région qui n'en vante ses merveilles cachées.Elle s'ouvre à peu près à mi-chemin sur le sentier de service de la Pourcaresse au château de Cambous. Le propriétaire du château y a fait aménager un escalier en pierres sèches qui en facilite l'entrée, profonde de 6 à 8 mètres. On pénètre ainsi dans une grande salle de 20 mètres de long, d'un assez bel effet dans laquelle s'ouvrent plusieurs galeries-celles de droite et de gauche sont sans intérêt et n'aboutissent qu'à des culs de-sac ; le couloir du milieu, long d'une vingtaine de mètres, est terminé par un puits encore inexploré où la sonde nous a accusé une profondeur de 30 à 35 mètres. Nous avons regretté que le temps ne nous ait pas permis d'en effectuer l'exploration, mais nous nous proposons de la terminer dans notre prochaine campagne.

 

Fig. 15. - Grotte de Cambous.

Avens du bois de Cambous - Nous signalerons seulement pour mémoire la présence dans le bois de Cambous de plusieurs avens encore inexplorés dont nous ne connaissons que les orifices ; deux se trouvent vis-à-vis la ferme de la Pourcaresse, sur le flanc est de la colline située au sud du point 331; un autre se trouve au pied sud-ouest de la même colline un quatrième s'ouvre au croisement des deux chemins de service du bois, non loin de la grotte de Cambous, et un cinquième, à l'extrémité nord-ouest du bois.

Grotte du Mas-de-Londres. - Cette grotte, également connue sous le nom de grotte de la Fausse-Monnaie, est une de plus intéressantes de notre région. Elle présentera le plus grand intérêt, à leurs divers points de vue, au touriste, à l'archéologue ou à l'entomologiste qui lui rendront visite; ils en reviendront également satisfaits et ne regretteront pas leur course.

Elle s'ouvre à 2 kilomètres à vol d'oiseau au sud du Mas-de-Londres, non loin du chemin de Londres à Cazevieille, dans les calcaires coralligènes du tithonique supérieur. Un à pic de 8 mètres de profondeur en constitue l'entrée et nous fait ainsi pénétrer dans une première salle présentant, sur la gauche, d'assez belles concrétions en orgues 1. Sur la droite, un étroit boyau long de 60 mètres, s'enfonçant d'abord à l'est, tournant ensuite au nord, nous conduit à un talus d'argile de 35 mètres de longueur. C'est avec beaucoup de difficultés que nous parvenons à descendre le talus glissant pour arriver à l'orifice d'un petit puits d'où nous jouissons, à la lueur de nos phares à acétylène et du magnésium, du magnifique spectacle de la grande salle qui nous rappelle un instant, en plus petit, par ses belles stalactites et ses fines colonnes, un coin de la salle de l'Eglise de Dargilan.

Nous nous échapperons de ce spectacle captivant, pour sauter dans le trou profond de 2 mètres qui est sous nos pieds et nous engager sous le plancher stalagmitique, pour pénétrer dans la grande salle. De cette dernière, couverte de belles concrétions, partent deux galeries.

La première, longue de 70 à 80 mètres, s'enfonce de plusieurs mètres au-dessous du niveau de la grande salle et nous conduit par une suite de petites chambres et de couloirs resserrés à une salle finale renfermant quelques belles stalactites.

La seconde, d'un accès plus difficile, s'ouvre au fond de la grande salle, à 3 ou 4 mètres au-dessus du sol et nécessite pour l'atteindre quelque expérience en gymnastique. Elle a une longueur totale de 140 mètres et renferme plusieurs salles spacieuses avec belles stalagmites; dans la salle des puits, s ouvrent trois orifices encore inexplorés dans lesquels le corps d'un homme peut à peine s'engager; la salle du souterrain présente un curieux ravinement du plancher stalagmitique, formant ainsi une nouvelle cavité dans les dépôts qui la remplissent.

Nous avons encore retrouvé dans cette salle le crâne et les ossements de quelque malheureux égaré dans ces parages et tombé dans l'abîme ou victime de quelque crime encore impuni.

Le développement total des galeries de la grotte est d'environ 400 mètres ; ainsi que nous l'avons dit dès le début, tenant à être aussi succincts que possible dans nos indications et ne voulant pas nous égarer dans des descriptions superflues, souvent exagérées, nous renverrons le lecteur, pour plus amples détails, aux plan et coupe ci-joints.

Au point de vue préhistorique nous avons fait plusieurs fouilles dans divers points de la grotte; le sol du premier couloir nous a fourni, au point C D, de nombreux fragments de poterie mais c'est encore dans la grande salle que nos fouilles ont été les plus fructueuses ; une petite cavité profonde de 2 ou 3 mètres, pratiquée dans le plancher stalagmitique à gauche, en sortant du petit tunnel d'accès, nous a fourni une grande quantité de poteries assez grossièrement ornées, associees à des ossements humains parmi lesquels nous avons pu reconnaître les restes d'au moins trois individus. A cet endroit, le sol de la grotte, épais de plusieurs mètres, est formé de deux planchers stalagmiliques séparés entre eux par une épaisseur d'argile absolument pétrie en certains endroitsde fragments de poterie et d'ossements ; des fouilles plus considérables, mais aussi plus coûteuses, pourraient certainement donner de meilleurs résultats qu'il ne nous a pas été permis d'obtenir.

Aven de la Baume-Saigner. - Nous devons le mentionner aussi en passant, bien qu'encore incomplètement exploré; il est situé à cent mètres environ au sud du croisement de l'ancienne route et du chemin de la Pourcaresse à Londres ; par la longueur de ses galeries et la beauté de ses salles, il constitue très probablement l'un des plus beaux de la région.

Exemple d'aven en cascade un premier puits de 20 mètres environ de profondeur nous conduit dans une grotte spacieuse, à talus très en pente, couvert de rochers prêts à rouler dans le goùffre qui s'ouvre plus bas c'est avec des précautions inou'ies que nous avons dû opérer la descente de ce second puits, large de plus de vingt mètres à son orifice, et allant sans cesse en s'agrandissant, j usqu'à une profondeur de 25 mètres. En ce point, partent trois galeries de longueur différente, que les eaux ont recouvertes de magnifiques concrétions et dont le développement total n'est pas inférieur à 300 mètres une d'entre elles se termine par un troisième puits devant lequel nous avons arrêté, faute de matériel suffisant, notre première exploration.

Aven du Pic Saint-Loup. - L'orifice de cet aven est situé presque au sommet du pic Saint-Loup, à la cote 620 environ, sur le versant sud, à une soixantaine de mètres de la chapelle. C'est une crevasse de huit mètres de longueur sur trois de large : un à pic absolu de 45 mètres, et trois autres puits dont le dernier de 12, donnent à cet aven une profondeur de 70 mètres.

Cet abîme, large à la base de plus de 25 mètres, constitue par sa profondeur et sa situation une des cassures les plus impressionnantes de la région.

L'orifice, très difficile à trouver, est en partie caché par les chénes-verts; aussi de nombreuses bêtes à laine tombent-elles constamment comme nous nous en sommes rendu compte ; encore un foyer de contamination des eaux, la source de Mascla se trouvant exactement au-dessous de l'aven, au pied du versant nord de Saint-Loup.

Fig. 16.

Aven du Pic Saint-Loup.

Grotte de Saint-Joseph. -Petite caverne, méritant à peine d'être signalée, est située sur le versant nord du pie Saint-Loup, à 30 mètres environ du sommet. Elle a servi de refuge à l'homme préhistorique, ainsi que l'attestent les nombreux fragments de poterie qu'elle renferme.

Fig 17. - Le Saint-Loup et la Grotte de Saint-Joseph vus du col de Fontbetou.

Aven du mas d'Euzet. - Ce petit aven, découvert récemment par M. Olivier, propriétaire du mas d'Euzet, est intéressant par la présence des curieuses concrétions en choux-fleurs qui en recouvrent les parois. Situé sur le flanc sud-est du Montferrant, à un kilomètre environ du mas d'Euzet, il est constitué par trois puits successifs qui lui donnent une profondeur totale de 22 mètres.

Fig. 18. Aven du Mas d'Euzet.

Grotte et source du Lirou. - Le torrent du Lirou sort à 400 mètres au nord-ouest du village des Matelles, d'une grotte s'ouvrant au milieu d'une gorge encaissée dans laquelle il coule avec fracas en hiver. En été, la rivière est à sec, et l'on peut pénétrer dans la grotte.

Le couloir mène, par une série de courbes et de siphons,ou voûtes mouillantes, à un rond-point duquel part une seconde galerie allant aboutir dans la gorge d'entrée à quelques mètres de l'orifice de la première. La grotte se prolonge ensuite vers l'est avec de nouveaux siphons et vient aboutir à un puits de 21 mètres, qui mène dans une grande salle terminée par un dernier siphon. Le développement total des galeries est de 800 mètres.

Fig. 19. - Entrée de la rivière souterraine du Lirou.

Cette grotte joue le rôle d'une véritable grotte-réservoir alimentant le Lez, collecteur des eaux souterraines du causse circulent dans les terrains des Matelles. On sait que les eaux calcaires à travers une série de couloirs : la rivière souterraine du Lirou constitue nettement l'un de ces couloirs. D'une part, en effet, le Lirou va se jeter dans le Lez lorsque la grotte est pleine, c'est-à-dire lorsque les eaux ont gravi les 30 mètres de dénivellation existant entre l'entrée de la grotte et le fond du dernier siphon. D'autre part, nous avons remarqué que l'on constate facilement en été, dans plusieurspuits du village des Matelles, l'existence d'un courant assez fort, marchant dans la dirertion de la grotte vers le Lez. Le couloir sonterrain du Lirou ne fait donc que servir de passage à travers les calcaires au trop-plein de l'eau qui, ne, pouvant trouver passage à l'intérieur, continue extérieurement samarche vers le Lez.

Nous n'en dirons pas davantage pour le moment sur la rivière souterraine du Lirou, dont la description détaillée a été publiée dans ce Bulletin1. Nous renvoyons le Jecteur à ce travail ainsi aux ouvrages de M. Ferrasse 2 et de M. E.-A. Martel3, qui ont émis tous deux plusieurs hypohèses au sujet des rapports hydrologiques du Lirou et du Lez.

 

1 Twight.- La rivière souterraine du Lirou. Bul. Soc. Lang. de Géog., page 172, 1893.

2 E. Ferrasse. Op. cit.

3 E.-A Martel. " Les Abimes ".


Deuxième Groupe

Fig. 21.

Le Pic d'Hortus vu du col de Fontbetou.

Les rochers escarpés de l'Hortus, bien visibles de la promenade du Peyrou, se dressent fièrement à l'horizon derrière la chaine Saint-Loup, de laquelle ils ne se détaclient de loin que grâce à leur teinte jaunâtre.

Ces abrupts sont formés de calcaire crétacé valanginien, et les grottes et avens qu'ils renferment, jouant un rôle hydrographique différent des précédents, forment, l'on s'en sonvient, notre second groupe de cavités naturelles.

Nous n'étudierons dans ce premier travail, que les deux grottes de l'Hortus proprement dit, nous proposant d'étudier ultérieurement les nombreuses cavités que renferme le grand causse qui le surmonte.

La stratification horizontale des couches a déterminé au pied de la falaise rocheuse la formation de plusieurs plate-formes dominant de plusieurs mètres le talus sous-jacent auquel on peut accéder en certains poins ; les photographies 1 et 2 de la planche I, donnent une idée du pittoresque de ces étroites terrasses, sur lesquelles on peut facilement circuler au flanc d'un rocher haut de plus de 60 mètres.

Toute la falaise est criblée de cavités qui s'aperçoivent de loin, mais dont l'accès est accessible seulement, pour la plupart, aux oiseaux de proie.

Ces rochers surplombants, véritables abris sous roche, ont servi en maint endroit de refuge à l'homme préhistorique dont on retrouve les traces sur toute l'étendue de ces terrasses naturelles.

Grotte de l'Hortus. - Cette grotte, d'un accès très facile, est très connue dans la région, et chaque été, de nombreux touristes, véritables vandales, lui rendent visite et contribuent de plus en plus à sa détérioration.

Deux entrées y donnent accès ; la principale s'ouvre à l'est, c'est par elle que nous pénétrerons. Un premier couloir de trente mètres, suivi d'un second d'une quinzaine, nous conduira dans la première salle ou salle des Draperies ; deux salles étroites et sans intérêt lui font suite et communiquent par un étroit boyau avec deux autres salles dans lesquelles nous avons retrouvé un grand nombre de poteries ; à gauche de la dernière, nous trouvons un petit aven de 15 mètres de profondeur ; plus loin, nous sommes obligés de descendre pendant plusieurs mètres, de rocher en rocher pour remonter, sitôt après et pénétrer dans la grande salle, qui est la partie la plus intéressante de notre grotte.

De cette salle, d'une vingtaine de mètres de large sur dix de haut, partent deux galeries : la galerie sud-ouest nous conduit sur la plate-forme extérieure et constitue la deuxième entrée ; la galerie ouest nous fera pénétrer dans la seconde partie de la grotte. Sur notre gauche, nous trouvons une petite cavité circulaire qui nous a fourni de nombreux restes de l'industrie primitive de l'homme et sur laquelle nous reviendrons plus loin. Tout à côté de cette cavité s'ouvre un puits de sept à huit mètres de profondeur aboutissant à un talus très en pente, sur lequel s'ouvrent deux orifices : le premier, profond d'une dizaine de mètres, nous conduit au fond d'une petite chambre dans laquelle se trouvait un squelette humain 1; le second, dans lequel il est impossible de descendre sans cordes, est plus resserré et profond d'une quinzaine de mètres. Nous remonterons de ce trou sans intérêt pour pénétrer dans la seconde partie de la grotte, longue de 80 à 90 mètres ; elle est terminée par la salle des Morts, dont l'accès est extrêmement pénible. Son orifice, laissant difficilemenl passer le corps d'un homme, se trouve situé à 3 mètres 50 au-dessus du sol de la galerie. Cette chambre, à voûte peu élevée, de 20 mètres de long sur 10 de large, était absolument vierge le jour de notre première visite, et nous avons été obligés pour y pénétrer, de briser plusieurs stalactites qui en fermaient l'entrée ; nous y avons recueilli, avec quelques fragments de poterie, les restes de plusieurs êtres humains qui dormaient là, depuis bien des siècles, leur dernier sommeil.

Cette seconde partie, malheureusement très endommagée par le vandalisme des nombreux touristes qui la visitent, contient encore plusieurs salles avec de belles concrétions ; les salles de la Cascade et des Colonnes font encore un bel effet à la lueur des phares au magnésium.

Le développement total des galeries atteint 290 à 300 mètres.

1 Ce squelette, qui ne nous a pas paru remonter à une époque bien reculée, nous a laissé assez perplexe sur son origine : suicide, crime ou accident, telles ont les hypothèses probables, peut-être devons-nous le faire remonter au temps des guerres de religion, à l'époque où les châteaux de Vivioure et de Montferrant servaient de prisons d'Etat.

Reprenons au point de vue purement préhistorique la visite de notre grotte, qui nous a, en effet, fourni de nombreux vestiges de l'industrie néolithique.

Le sol présente un aspect différent suivant les points où on l'observe ; dans le vestibule de la deuxième entrée, c'est tout d'abord un amas de terres et de pierres provenant du dehors, apporté sans doute là par le néolithique pour restreindre l'entrée, faciliter sa fermeture et rendre ainsi possible sa défense. Le sol est ensuite constitué vers le milieu par la roche vive recouverte à l'entrée de la grande salle d'un limon rougeâtre; les fouilles que nous avons faites dans toute la longueur du vestibule ne nous ont donné aucun résultat.

Il n'en a pas été de même dans la grande salle et plus particulièrement dans la petite chambre circulaire donnant dans celle-ci et située tout près du grand puits ; cette petite cavité, d'environ deux mètres de diamètre, n'est autre chose que le fond d'une fissure verticale ascendante ; c'est dans ce réduit que nos fouilles ont été les plus fructueuses et que nous avons concentré nos recherches.

Le sol de cette cavité, constitué par un limon noirâtre, léber et ti n, formé sans doute par une accumulation d'humus, de cendres, de poussières et de détritus d'animaux, avait, avant nos fouilles, une épaisseur moyenne de cinquante à soixante centimètres et contenait de très nombreux débris de poterie ; le sous-sol, formé d'un limon caillouteux rougeâtre, reposait sur la roche vive et ne contenait aucun débris d'industrie ou d'animaux ; il semble avoir été le premier sol foulé par l'homme.

Parmi les nombreux restes d'industrie que nous avons recueillis, nous signalerons

1- Une fusaïole en terre cuite brun grisâtre (pl. III, fig. 1 et Ia) de 0,028 de diamètre sur 0,018 d'épaisseur, plane et taillée en biseaux sur ses deux faces, perforée d'un trou cylindrique.

2- Une très belle pointe de lance en silex (pl. III, fig. 2 t 2a) retouchée sur toutes ses arêtes et sur ses deux faces.

3- Une petite plaque osseuse (fig. 22) triangulaire, polie, faite d'un fragment de boîte crânienne et percée d'un trou pour la suspension; C'était sans doute un objet de parure, une pendeloque en guise d'ornement, d'amulette ou de trophée.

4- Une grande quantité de fragments de poterie (pl. III, fig. 3, 4, 5, 6 7), avec dessins et ornements divers.

Fig. 22.

 

A ces restes de l'industrie bumaine nous devons ajouter un certain nombre d'ossements d'animaux: cheval, mouton, boeuf, loup, mêlés à des ossements humains ; ces derniers restes pourraient nous faire supposer que cette chambre avait servi de lieu d'incinération, un fragment de maxillaire et divers autres portant des traces incontestables de leur passage au feu 1.

1. Après avoir exécuté nos fouilles, nous avons allumé du feu dans cette cavité et nous n'avons pas été peu surpris de constater que nous nous trouvions en présence d'une véritable cheminée à tirage excellent des fissures que l'on ne peut apercevoir doivent établir une communication avec l'extérieur ce phénomène vint appuyer notre conviction de nous trouver en présence d'une véritable chambre crématoire.

Le principal intérêt de nos trouvailles est évidemment la grande abondance des poteries malheureusement aucune d'elles n'est entière et les fragments en sont généralement petits; leur ornementation est très variée et consiste en petites encoches en creux, en boutons en relief, ou dans la combinaison des lignes droites ; à part celles qui sont faites par l'impression de l'ongle dans la pâte encore molle, nous avons rarement constaté de lignes courbes dans l'ornementation leur forme est celle de vases à bords droits (Pl.III; Fig. 3) ou très légèrement recourbés, la panse faiblement renflée, munie d'anses pleines ou percées, ces dernières (Pl. III, Fig. 6) plutôt rares, leur épaisseur faible et ne dépassant pas 4 à 6 millimètres quant à leur capacité, nous ne saurions l'évaluer, ne connaissant pas leur hauteur - mais leur diamètre pouvait avoir huit à dix centimètres dans les plus petits, vingt à vingt-cinq dans les plus grands. La pâte, assez fine, contient parfois dans les fragments les plus grossiers des grains de calcaire néocomien leur donnant un caractère bien local ; lissés extérieurement, ils présentent à l'intérieur des stries en tous sens, preuve de leur confection à la main sans usage du tour ; la pièce figurée Pl. III, Fig. 7, serait la seule qui pourrait nous laisser quelques doutes à cet égard.

Nous avons fait figurer (Pl. III) plusieurs de ces fragments montrant quelques types de cette ornementation (voir plus loin explication de la planche). En dehors de ces derniers, nous en avons également observé dont l'ornementation plus simple se réduit à un double, triple ou quadruple cordon circulaire d'autres portent, entre deux sillons horizontaux, des hachures verticales, obliques ou entrecroisées (Fig. 23).

Fig. 23.

Nous pouvons conclure de nos diverses observations que cette grotte a été habitée par l'homme, à une époque assez avancée de la période néolithique, et d'autre part quelle a servi de lieu de sépulture et d'incinération.

Grotte Danis. - S'ouvre à une centaine de mètres à droite de la précédente, à plusieurs mètres au-dessus de la terrasse naturelle de l'Hortus. Il est impossible de l'atteindre sans échelle c'est une galerie en pente rapide, rnée de belles concrétions et s'élevant ensuite continuellement, pour devenir presque verticale. C'est un véritable aven dont l'orifice, s'ouvrant sans doute à la surface du plateau de l'Hortus, nous est encore inconnu.

Cette galerie forme à quelques mètres de l'entrée une petite salle dans laquelle nous avons trouvé, sous une épaisse couche de guano de chauve-souris, querques fragments de poterie qui nous prouvent que cette cavité a été également visitée par le préhistorique.

 

Fig. 24. - Grotte Danis

 

Tel est le résultat actuel de nos recherches spéléologiques dans la région du pic Saint-Loup.

Il nous en coûte beaucoup de publier un travail aussi incomplet ; nombreux en effet sont les points d'interrogation que nous avons été obligés de poser ; nombreux aussi sont les avens dont on nous a signalé les orifices dans notre région depuis nos dernières courses.

Après avoir conçu la première idée de cette étude dès l'année 1900, époque à laquelle nous faisions notre première descente dans l'aven des Caravettes, nous en avons repris l'exécution en 1906 et 1907, et sommes encore restés pour le moment bien au dessous de notre programme.

Montpellier, mars 1908.

EXPLICATION DES PLANCHES

Planche I

1. Sur les terrasses de l'Hortus.

2. Un passage difficile sur les terrasses de l'Hortus.

3. Descente de l'aven des Caravettes.

4. Entrée difficile d'une grotte.

 

Planche II

1. les rochers de l'Hortus vus de la combe du mas Rigaud.

2. Principale entrée de la grotte de l'Hortus.

3. La grotte de Coucolière.

4. Préparatifs de descente dans un aven, le lancement de l'échelle (aven de la Baraque).

Planche III

 

1. et 1a. Fusaïole en terre cuite, brun grisâtre, plane et taillée en biseau sur ses deux faces, perforée d'un trou cylindrique.

2 et 2a. Pointe de lance en silex taillé, jaune, provenant des formations éocènes, retouchée sur ses deux faces et sur ses bords.

3. Bord de vase en pâte noirâtre très fine, orné de faisceaux de lignes droites de deux à trois centimètres de long, disposés en ligne tantôt verticalement, tantôt horizontalement entre deux cordons circulaires.

4. Fragment de poterie noirâtre, pâte fine bien lustrée, orné, de lignes courbes parallèles, disposées verticalement, qui, partant du bord ou d'un cordon supérieur, viennent s'arrêter à une ligne horizontale circulaire. Ce fragment est le seul sur lequel nous ayons constaté des lignes courbes dans l'ornementation.

5. Fragment de vase en pâte plus grossière que les précédents rouge et ayant subi une cuisson plus complète, orné de deux rangées horizontales de hachures verticales.

6. Fragment de poterie noirâtre, avec petite anse obtenue par le pincement de la pâte et percée dans le sens de l'épaisseur de deux trous de suspension.

7. Fragment de poterie, noirâtre à l'intérieur, rouge jaunâtre extérieurement, cuisson incomplète, orné de trois sillons parallèles tracés en creux à l'ébauchoir; c'est sans doute la partie renflée d'une grande coupe.

Toutes les pièces de cette planche sont figurées en grandeur naturelle et proviennent de la grotte de l'Hortus.

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EXPLICATION DE LA CARTE

N° 1 Aven des Caravettes 89
2. Grotte de Martin. 91
3 Grotte de Coucolière 92
4 Aven de la Baraque 92
5 Grotte du Rendez-vous de Chasse 94
6 Aven du Blaireau 95
7 Aven Michel
8 Aven Granier 96
9 Grotte du Bois-de-l'Ane 97
10 Aven et Grotte des Nymphes 98
11 Grotte de Roubiac 100
12 Aven de la Vieille-Route 100
13 Grotte de Cambous 101
14, 15, 16 Avens du bois de Cambous 101
17. Grotte du Mas-de-Londres 102
18 Aven de Beaume-Saigner 104
19 Aven Aven du pic Saint-Loup 105
20 Grotte Saint-Joseph 106
21 Aven du Mas d'Euzet106
22. Grotte et source du Lirou 106
23 Grotte de l'Hortus 109
24 Grotte Danis 114