Louis LAMBERT

Contes Populaires

du Languedoc

Préface de Jean-Marie Petit


Los còntes montpelhieirencs (o londreses) dau reculh en grafia occitana:

Las sorcièiras

las tres galinetas

Peton-Petet

lo gojat de la Serrana

Tòni

lo maset

los trenta denièrs (tèxt en occitan medieval)

LOUIS LAMBERT

ET LA COLLECTE DE LA LITTÉRATURE

ORALE OCCITANE AUTOUR DE LA

REVUE DES LANGUES ROMANES

(Montpellier 1870-1912)


Louis Lambert, musicien et humaniste


Louis, Marie, Michel Lambert est né à Montpellier au Faubourg de Lattes le 29 septembre 1835. Il est mort à Sète le 25 décembre 1908 à la cité Doumet 1.


Fils, petit-fils et neveu de musiciens montpelliérains il sera lui-même musicien de profession. En 1867, il fait partie de l'orchestre du Grand Théâtre de Montpellier. Il y tiendra pendant plus de trente ans l'emploi « d'Alto-Solo et de Viole d'Amour » 3 . Pianisteconcertiste, compositeur de musique instrumentale, on le retrouve en 1880 professeur (de piano) à l'École de Musique, établissement qui deviendra École Municipale en 1887, École Nationale en 1891, Succursale du Conservatoire de Paris en 1904, sous sa direction (depuis 1890-91 jusqu'à sa retraite en 1906)4 . Dans la tradition de Paladilhe, Maillart, Nourrit, Massol, Dereins qui sont les « gloires » musicales montpelliéraines, cette école atteindra avec Lambert un niveau que tous les inspecteurs généraux « de la Musique et des Beaux Arts » s'entendront à louer chaudement. Ferdinand Castets, maire de Montpellier, doyen de la Faculté des Lettres n'hésitera pas à la placer en 1893 au rang de Faculté de Musique.


Lambert est remarqué « pour son zèle, son esprit d'initiative, sa délicatesse de goût, cette indulgence aimable qui n'exclurait pas la fermeté à l'occasion si elle ne s'imposait si sûrement qu'elle se suffit à ellemême » (Discours de distribution des prix, 1895, M. Mas, adjoint au Maire de Montpellier) 6. Musicologue confirmé 7 , Lambert est encore un humaniste dont les propos de 1893 valent d'être cités :


« En créant une école de musique dans une ville où le goût de cet art a toujours été si développé, les vocations si nombreuses, nous avons dû nous attacher avant tout à détruire le vieux préjugé qui déclarait le peuple incapable d'éprouver la passion du beau, de s'élever au sommet de l'art et de produire des artistes.


L'épreuve est faite, nos élèves, tous enfants du peuple, ont prouvé victorieusement la fausseté de ces allégations égdistes ou intéressées de la même manière que Galilée prouvait le mouvement »


De l'amour du peuple à celui de la chanson populaire et du conte populaire il n'y a qu'un pas que lui fera franchir Achille Montel, le savant archiviste de la ville de Montpellier, en le conviant aux travaux de la Société pour l'Étude des Langues Romanes dès sa fondation en 18699.


La Société pour l'Étude des Langues Romanes.


Fondée à Montpellier le 12 avril 1869 par F.-R. Cambouliu, Ch. de Tourtoulon, A. Montel, A. Boucherie, P. Glaize , elle publiera dès 1870 la Revue des Langues Romanes. Forte alors de plus de deux cents membres, elle saura s'entourer de correspondants de valeur : Gaston Paris, Paul Meyer, Saint René Taillandier, Camille Chabaneau, E. Egger pour la France, Frédéric Mistral, G. Azais, Gatien Arnould, Dom Cauderan pour les pays d'Oc, Balaguer et Mila i Fontanals pour la Catalogne, F. Diez pour l'Allemagne.... etc. Ce nouveau centre de « hautes études » 1 1 va inaugurer ce que Paul Delarue appellera «l'âge d'or de la collecte» en littérature orale.


Le règlement de 1869 fixe clairement l'objectif à atteindre : « La société a choisi comme champ spécial de ses recherches tous les pays où se parlait et où se parle encore un dialecte quelconque de la langue d'oc. Étude du langage, des moeurs et des événements ; recueil de termes techniques, de proverbes, de légendes, de contes et de chansons populaires, publications de documents littéraires et historiques en langue méridionale, tels sont les objets divers de ses travaux. Elle s'efforcera de faire revivre, avec sa vraie physionomie notre vieux Midi, qui fut, pour l'Europe du MoyenAge, la terre classique de la poésie, l'initiateur le plus brillant des libertés communales, et de recueillir ce qui reste encore de traditions près de disparicitre (Bulletin n° 1 de la Société, 1869-70, p. 8).


Ce programme devance celui de la Revue Celtique (fondée en 1870-7 1), de la Romania (1 872), de Mélusine (1877) et crée une dynamique 12 qui trouvera un point d'aboutissement avec la Revue des Traditions Populaires (1888-1919), La Tradition (1887-1907), La Revue du Traditionnalisme Français (1898-1914), les éditions Maisonneuve et Leroux. La Revue des Langues Romanes qui publie des textes de collecte dès son ler fascicule est en correspondance et en échanges permanents avec H. Gaidoz, E. Cosquin, P. Sébillot, G. Paris... Elle passera une série de contrats de coéditions et de diffusion avec Maisonneuve.


A partir de 1875, la Société crée des concours triennaux « Philologiques et littéraires ». La section philologique se fixe un double objectif :


La collecte de documents de littérature orale.


La collecte conjointe de documents linguistiques.

Le règlement de ces concours est très explicite

« Philologie :


Les prix seront décernés à la meilleure étude du patois ou du langage populaire d'une localité déterminée du Midi de la France (collection de chansons, contes, proverbes, devinettes, comparaisons populaires). Ces textes devront être reproduits exactement, c'est-à- dire sans rien changer à la langue du peuple et tous traduits en français. On y joindra la conjugaison des verbes chanter, finir, mourir, prendre, avoir, être, aller, pouvoir. Indiquer les autres localités connues de l'auteur où se parlerait le même idiome populaire » (R.L.R., 1883).

Ces concours qui s'ajoutent aux appels de «documents » régulièrement lancés par la Revue vont créer une émulation et susciter des vocations de « collecteurs » parmi la population lettrée. Le concours de 1883 sera réservé aux institutrices et aux instituteurs primaires. Les membres « résidants », les membres « correspondants », les sociétaires « libres » de tous niveaux participent aussi à ce vaste chantier : A. Germain, A. Espagne, A. Fourès, A. Roque-Ferrier, A. Mir, V. Lieutaud, Mila i Fontanals, Pin i Soler... Les philologues C. Chabaneau, C. de Tourtoulon, A. Boucherie apportent à chaque fois leurs « lumières scientifiques ». Achille Montel et Louis Lambert vont coordonner le travail et organiser les synthèses. Ils font part en 1880 de « près de cent correspondants dévoués ».

Montel, spécialiste de l'ancienne langue d'oc, a posé les principes orthographiques de transcription dès 1870 («De l'orthographe» R.L.R., t. 1, p. 40-41). Lambert se charge de son côté des données musicales et de la traduction des textes. Sous leur double signature, la première grande série de contes sera publiée par la Revue en 187 1, la première grande série de chants en 1874. A partir de 1876, date où Achille Montel est atteint d'une très grave maladie, Louis Lambert devra poursuivre seul l'exploitation des documents Il publiera sous son seul nom Les Contes Populaires du Languedoc de 1899 14 (Montpellier, Coulet édit.) et les deux volumes de Chants et chansons populaires du Languedoc de 1906 (à Paris chez H. Welter). La Revue des Langues Romanes poursuivra la publication de la collecte après la mort de Lambert, jusqu'en 1912. Elle cessera par la suite ce genre de recherche et d'édition.


La Haute Tribune.


Au centre de la renaissance languedocienne et d'un vaste mouvement érudit, la Revue des Langues Romanes a l'incomparable avantage de faire voisiner la littérature orale avec de grandes oeuvres de création contemporaine (elle publie des textes poétiques de Mistral, Aubanel, Roumieux, W. Bonaparte-Wyse, Gras, Tavan, Fourès, Berluc Perussis, Bringuier, Langlade ... ) avec des textes prestigieux d'ancienne langue d'oc (troubadours, chroniques, chartes ... ), avec les premières grandes synthèses littéraires (notamment L'histoire littéraire des patois du Midi de la France au XVIIIE siècle de Noulet), avec, encore, de multiples descriptions linguistiques. Et parce que cela contribue « au progrès de la science » 15, elle s'ouvre largement aux autres langues et littératures néolatines : catalan, espagnol, italien, rhétoroman, roumain et bien entendu au français, en particulier à l'ancienne langue et à la littérature médiévale 16. Cette tribune internationale ne peut que « tirer la littérature orale occitane vers le haut » en lui servant de « faire-valoir-» dans une époque déjà prête à la recevoir. Le souci philologique permanent sera un garant d'authenticité que ne pourront pas s'accorder d'autres publications contemporaines notamment certains « almanacs » La critique française et étrangère (articles de G. Paris, Mila i Fontanals, d'Ancona, Bladé, Rolland, Tiersot, Gaidoz, etc.) ne s'y trompera pas qui sera souvent élogieuse sans cesser d'être constructive. L'impression qui se dégage de cette vaste entreprise est certes un certain goût du monumental et de l'encyclopédique, mais c'est aussi une impression de vie, multiple, ouverte, confiante. Les érudits que rassemble l'association montpelliéraine paraissent jouer avec délice de leur complémentarité.

Louis Lambert ne semble pas avoir travaillé ailleurs qu'à la Société des Langues Romanes. S'il entretient de bons rapports avec certains membres du Félibrige : Mistral 18, W. Bonaparte-Wyse, Arnavielle, il semblerait que ce ne soit que dans la mouvance de la Revue. Contrairement à la plupart des dirigeants de la Société, il n'aura pas de grade dans l'institution provençale 1 9 et ne publiera pas dans les revues félibréennes.


Le recueil des Contes Populaires du Languedoc de 1899.


Lieux, collecteurs et informateurs.


Un quart des contes qui composent ce recueil ont été recueillis à Bélesta (Ariège). L'auteur y a un oncle Jean-Baptiste Lambert et des informatrices -peutêtre des parentes- du nom de Lambert : Pauline, Rosalie et surtout Marie Lambert qui lui a été d'une aide très précieuse pour la collecte des chants et des contes 20 En relation avec Bélesta se trouve aussi le docteur Guibaud (ailleurs localisé à Narbonne). Louis Lambert dont la famille paternelle est peut-être originaire de cette région a enquêté personnellement à Bélesta. Il en parle en 1871 en termes d'un lyrisme discret :


« Dans les montagnes de l'Ariège... Bélesta, charmante petite ville située sur la limite du département de l'Aude au milieu d'un vallon arrosé par l'Hers, dont le rapide courant serpente à travers de grasses prairies et soulève le lourd marteau des forges à la catalane. Cette ville faisait autrefois partie de la province de Languedoc et du diocèse de Mirepoix. Éloignée de plus de 50 kilomètres de tout grand centre, enfouie dans la neige pendant une grande partie de l'hiver, on y retrouve encore vivaces d'anciennes coutumes, et le langage du peuple y a conservé toute son originalité» (R.L.R., t. 2, 1871, p. 310).


L'auteur a déjà, dans diverses opérations de collecte, fait appel à sa propre famille. Les Gilbert de Montpellier et d'Avignon (parenté du côté maternel, cf. supra), Lambert Gaston de Montpellier, Lambert Julia de Saint-Gilles.


Dans le premier recueil de chants populaires de 1880, il est rendu hommage « A la mémoire du regretté Docteur Guibaud de Narbonne auquel (le) recueil devra les versions les plus remarquables... et dont les communications pourraient former à elles seules la matière d'un volume ». Les six versions narbonnaises ont été recueillies par le docteur Guibaud.


Cinq versions sont montpelliéraines : le conte XIX recueilli par A. Montel, XXIII recueilli par Lambert aupres de sa tante maternelle V. Gilbert, XXII communiqué par H. Bouquet qui est ouvrier imprimeur chez Hamelin. Le conte XL est la retranscription d'un inédit du Petit Thalamus, la célèbre chronique de Montpellier (XlVe siècle) conservée aux archives de la ville. Il est en ancien occitan et ne peut être mis sur le même plan que les documents de collecte.


Les autres versions du département de l'Hérault viennent, la première de Saint-Martin-de-Londres (collecteur M. Doumergue, instituteur), la seconde du Poujet où Lambert a une informatrice, Mme Bourdiol, la dernière d'Aspiran, communiquée par un membre éminent de la Société, Adelphe Espagne, professeur agrégé à la Faculté de médecine, collaborateur à la Revue où il a déjà publié des Proverbes et dictons populaires recueillis à Aspiran (1873).


Les versions cévenoles et lozériennes proviennent de Colognac, de Saint-Maurice-de-Cazevieille, d'Alès et de Saint-Frézal-d'Albugès. Le collecteur de Colognac, le pasteur Fesquet, est bien connu, il a publié dans la R.L.R. des «Proverbes et dictons» et des «Énigmes populaires» recueillis à Colognac (t. 6, p. 103 à 134 ; t. 16, p. 175-177). Il a obtenu la médaille d'argent au concours philologique et littéraire de 1875 pour une « Monographie du sous-dialecte du canton de La Salle Saint-Pierre» (Gard) (R. L. R., t. 25). A Saint-Maurice-de-Cazevieille a enquêté un autre pasteur, le pasteur Liebick, successivement en poste à Saint-Germain-de-Calberte et à Saint-André-deLancize. C'est un second instituteur (qui a par ailleurs fourni à Lambert un certain nombre de chansons) qui enquête à Saint-Frézal-d'Albugès.

Albert Arnavielle (1844-1927) est originaire d'Alès. Majoral du Félibrige, secrétaire des Félibres de Montpellier, collaborateur à la Revue, il est l'auteur (sous le pseudonyme de l'Arabi) de livres de poésies, Lous cents de l'aubo (1 868), Volo-biou (1 875), Las Raiolas (1932). Le conte XXXVII, de Saint-Romain-LeDésert dans la Haute-Ardèche, est de la collecte d'un troisième instituteur, M. Callon, que l'on retrouve cité dans le recueil de 1906.


Les deux versions (XXIX-XXX) de Mens (Isère) sont attribuées à G. Guichard, correspondant qui enverra en 1882 « Lou vodou de Sant Brancassi seno mensouno » (t. 2 1, p. 125-142) et «Une version dauphinoise de l'Escriveta » (t. 28, p. 89-93) en 1885. Guichard fait aussi partie des collaborateurs réguliers.


Lambert enquête dans l'Aveyron. Il a une informatrice de Saint-Laurent-d'Olt, Melle Saliel, et une à Curan, Sophie Arguel, qui vit à Millau.


Le collecteur d'Agen, Rigal (conte XXXIV), est un membre correspondant de la Société depuis 1869 où il est présenté comme « littérateur ». C'est enfin à Chabaneau qui fournira la version périgourdine (conte XXVIII) que revient d'avoir entreiné dans l'opération le baron d'Aigueperse (Saint-Paul-d'Eyéau en Limousin).


La distribution géographique des contes correspond donc assez mal à celle que semble annoncer le titre de l'ouvrage. Il faut prendre le terme Languedoc au sens très large, celui d'un espace géolinguistique entre Provence et Gascogne. Cette appellation se comprend à Montpellier où la toute puissance du Félibrige provençal est sporadiquement remise en cause.


Le travail de Lambert.


La période d'enquête s'étend grosso-modo de 1874 à 1889. Lambert intervient peu de fois directement sur le terrain. Son rôle principal a consisté à programmer les enquêtes, à les définir (selon les thèmes), à former les enquêteurs, à les stimuler ou les interroger dans une vaste correspondance. Dans un second temps, il retranscrit ou revoit les transcriptions, traduit ou revoit les traductions et choisit les meilleures versions. Les textes sont publiés dans la revue de 1885 à 1899... Lambert les fait tirer à part 21 à chaque livraison et fait l'hommage de ces livrets à chacun de ses collecteurs, persuadé qu'il est -à juste raison - du prestige de l'imprimé. Une circulation des textes se fera donc audelà de la revue par l'intermédiaire de ces tirés à part.


On remarquera le retour fréquent de l'expression « écrit sous la dictée » qui définit un principe posé dès les origines de la Société des Langues Romanes. Ceci suppose malgré tout un certain nombre d'artifices, au demeurant nécessaires à cette époque qui ne connaît pas le magnétophone. Si l'on prend le terme de « dictée » à là lettre, il faut exclure dans la plupart des cas les institutions traditionnelles de transfert de la littérature orale, et poser un rapport quasi exclusif informateur-collecteur. Les données temporelles de la performance orale, une partie de son rythme, de son « naturel » sont cassés par les nécessités de la dictée. Mais le texte y gagne peut-être en rigueur et en équilibre, ne serait-ce que par l'intervention immédiate et acceptée de l'écriture qui requiert logique et «correction» et par l'intervention probable de l'enquêteur qui n'est plus dans le rôle normal de l'auditeur de veillée. On comprendra que les textes soient nets, c'est-à-dire dépourvus des répétitions, redondances, hésitations et autres « bruits » typiques de l'oralité. Écriture directe certes, mais où s'affrontent nécessairement deux réalités concurrentes et cela plus ou moins gravement selon les collecteurs. Il est impossible de découvrir de façon certaine, encore moins de délimiter ce genre d'artefact comme il est impossible d'établir, faute de brouillons, la part (quand elle existe) de réécriture de Lambert qui se trouve en bout de course. Le processus de rediffusion quasi immédiat auprès des intéressés, collecteurs et informateurs, le tempérament de Lambert « respectueux de tous » nous incline à penser qu'elle est minime au niveau du texte occitan. Nous pensons qu'elle porte sur l'orthographe - une normalisation étant nécessaire - et sur la traduction française qui trahit par son style une égale distance de traducteur par rapport à une donnée linguistique brute. Orthographe et traduction sont des objets « étrangers » que l'on peut laisser sans difficulté à la gouverne de l'éditeur des textes.


Succès et postérité d'une collecte.


L'édition de 1899 ne passera pas inaperçue. Il en sera rendu compte en divers lieux et largement, notamment dans la Revue des Traditions Populaires (1899) et dans Lou Viro-Souleu Janvier 1900, étude littéraire par Jules Troubat). Le recueil sera régulièrement cité en référence dans les travaux sur le conte en domaine français ou d'oc (Delarue-Tenèze, Fabre et Lacroix, Pelen, etc.). Les textes seront repris en français et en occitan dans les anthologies destinées au grand public, de Seignolle, Fabre et Lacroix (Tchou), Lacroix (Gallimard), Camproux-Barral... L'occitanisme contemporain y trouvera des modèles pour l'enseignement de la langue et de la littérature populaires.


Il ne faut certes pas demander à Lambert ce qu'il ne pouvait ni ne savait apporter, c'est-à-dire une classification fine, une description ou une étude interne ou comparée des contes. Sa fonction est celle du collectage, de l'édition des textes qu'il assume avec une très grande probité. Ceci n'est d'ailleurs pas en contradiction avec une certaine esthétique que Lambert tient pour importante dans le choix des versions. C'est sa façon d'artiste de respecter « ces monuments de l'esprit et de la langue de nos pères » 23 en les présentant sous leur meilleur profil et dans une traduction digne d'eux... Lambert ne tombera jamais dans les artifices de son époque qui consistaient à forcer les effets pour rendre compte de « la beauté rustique ». Il fera confiance à ses textes en se mettant au service de leur littéralité dans un français d'une élégante sobriété.


Un autre souci des philologues montpelliérains était, nous l'avons vu, de présenter des documents linguistiques aussi divers et aussi exacts que possible

Si l'on prend la mesure des moyens de l'époque (relevés, transcriptions, système orthographique), on peut estimer que ce contrat est assez bien rempli par Lambert à quelques détails près. Ces documents nous sont encore précieux et le demeureront qui représentent un état de langue parlée sans équivalent dans d'autres productions.


Jean-Marie PETIT


NOTES


(1) A part les quelques lignes consacrées à Louis Lambert dans le Dictionnaire Annuaire et Album de lHérault (Flammarion, s.d.) du vivant du musicien, nous n'avons trouvé ni biographie, ni nécrologie, ni bibliographie le concernant. Une patiente recherche d'archives nous a permis d'établir exactement ce qui suit État Civil :


Louis, Marie, Michel Lambert

né le 30 septembre 1835 dans la maison Grellet au Faubourg de Lattes à Montpellier fils légitime de Siffrain, François, Marie, Lambert, musicien âgé de 45 ans et de Dame Elisabeth, Joséphine Gilbert, 28 ans, mariés, domiciliés à Montpellier.

Témoins : Jacques Suquet, marchand-drapier

Bernard Vianni, musicien

(signatures lisibles et « artistiques » du père et des témoins). Source : Archives Départementales de l'Hérault (3E 177/95, État Civil, naissances).

Le mariage des parents ne figure pas dans l'État Civil de Montpellier, mais y figure l'acte de naissance de la mère : Elisabeth, Joséphine Gilbert

née le 18 juillet 1806 à Montpellier

fille de Nicolas, Gilbert, lutier (sic) et de

Marie, Anne, Rosalie Brunet, mariés, domiciliés à Montpellier. Témoins : Joseph Gilbert, artiste, âgé de 26 ans, frère du nouveauné

Constantin Ducommun, horloger. (signatures lisibles).

Source : Archives Municipales, Montpellier, État Civil, naissances, 1806.

Louis Lambert est décédé à Sète où il s'était retiré en 1906, l'année de sa mise à la retraite. L'État Civil de Sète porte la mention marginale sur l'acte de décès : veuf de Julia, Marguerite Houillot. Il n'y a pas trace dans l'État Civil de Montpellier ni dans l'État Civil de Sète du mariage de Louis et de Julia.

L'unique faire-part de décès retrouvé figure dans l'Éclair du 26-27 décembre 1908

Cette-Montpellier : Les familles Lambert, Robert, Houillot,


Reboul et Bouis font part du décés de Louis Lambert Directeur honoraire du Conservatoire. Les obsèques auront lieu le dimanche 27 décembre à 9 h et demi. On se réunira Cité Doumet, maison Barrillon (à Sète).

Les publications félibréennes (Almanach Setori, Almanach Provençal, ... ) ne consacreront pas une ligne à ce décés qui semble être passé inaperçu aussi bien à Montpellier qu'en Languedoc.


(2) Dictionnaire, Annuaire, Hérault, op. cit. Cf. aussi supra état civil, naissance Louis Lambert, naissance Elisabeth Gilbert.


(3) Dictionnaire, Annuaire, op. cit.

(4) Archives Municipales Montpellier, série R, Conservatoire, et

J. Thomas : « L'enseignement public de la musique à Montpellier avant la création du Conservatoire 1809-1886 », Bulletin de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 1937.


(5) Discours de distribution des Prix, 1893, Montpellier, Impri-

merie Serre et Ricome, 5, rue Vieille-Intendance.

(6) École Nationale de Musique, Imprimerie Serre et Roume-

gous, 1895. Lambert recevra les palmes d'officier de l'Instruction Publique le 16 février 1899... Le dossier de proposition (Archives Départementales Hérault, 21/M/24) contient des rapports d'inspection tout aussi laudatifs.


(7) Cf. son discours du 28 juin 1888 Le Solfège (Montpellier, Imprimerie Serre et Ricome, 1888) qui est un modèle du genre.


(8) Distribution des récompenses faite aux élèves de l'École Nationale de Musique de Montpellier, 26 juin 1893, Montpellier, op. cit.


(9) Lambert est porté présent dans les comptes rendus des séances de la Société en 1869. Il fera partie du bureau directeur en 1873 et tiendra la place de trésorier (Société et Revue) pendant plus de 20 ans.


(10) F ' R. Cambouliu (1820-1870), d'origine catalane, professeur à la Faculté des Lettres, président de l'Académie des Sciences et


Lettres de Montpellier, auteur d'études sur La renaissance de la poésie provençale à Toulouse au XIVE siècle (1851), d'un Essai sur l'histoire de la littérature catalane. Il fut le premier président de la Société.


Ch. de Tourtoulon (1836-1913), en 1869 membre correspondant des Académies d'Histoire et des Sciences Morales et Politiques de Madrid, membre de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier et de la Société de Linguistique de Paris. Il sera chargé d'une mission ministérielle (avec Octavien Bringuier) pour l'Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oil (Archives des Missions scientifiques et littéraires, 3c série, t. 111, Paris, Imprimerie Nationale, 1876). Majoral du Félibrige en 1876, il démissionnera en se faisant l'apôtre de l'idée latine (projet politique et culturel à la fois), il fondera en 1883 La Revue du Monde Latin qui parîcitra pendant trois ans.


A. Montel sera le second président de la Société. Outre les ouvrages et études publiés en collaboration avec Lambert, il éditera des textes médiévaux des Archives de Montpellier (Archives du Consulat, de la Commune clôture, ... ).


A. Boucherie (1831-1883), d'origine charentaise, professeur au Lycée de Montpellier, membre de la Société de Linguistique de Paris, chargé du cours de philologie romane à la Faculté des Lettres. Sera plusieurs fois président de la Société des Langues Romanes, et publiera une somme considérable d'articles dans la R.L.R.


Paul Glaize est chargé au sein de la Société de la philologie générale. Son seul titre déclaré au moment de la création de la Société est : membre de la Société Archéologique de Montpellier.


Sur les « Acteurs de la renaissance montpelliéraine », nous renvoyons à notre article à paraître dans la Revue des Langues Romanes, 1985, n' 1.


(11) L'expression est d'A. Montel, Notice nécrologique sur Cambouliu, p. 14 (Montpellier, Imprimerie typographique de Gras, 1870).


(12) La « dynamique » est aussi au programme de la Société qui veut « perpétuer le mouvement et l'étendre en tous lieux » (Allocution de Cambouliu, 17 avril 1869).


(1 3) L'édition de 1880 des Chants Populaires du Languedoc qui n'est qu'une reprise des textes publiés dans la R.L.R. (et signée Montel et Lambert) sera préparée par Lambert.


(14) Cette deuxième série vient après celle de 1871-72-73 (Montel


et Lambert) qui comprend des « Contes populaires rythmés », des « Contes populaires », des « Contes et petites compositions populaires », sur un total de 169 pages.


(15) Ce sont les termes mêmes des statuts de 1869.


(16) La R.L.R. publiera de très grands textes français médiévaux comme La chanson des quatre fils Aymon, Le roman de la vie des frères hermites.


(17) Il faut faire une exception pour les publications de RoqueFerrier, Le Félibrige latin, l'Armanac montpellierain, et l'Uoù de Pascas qui publient de la littérature orale. Mais Roque-Ferrier fait partie de la Société des Langues Romanes (il en sera secrétaire de nombreuses années).

(18) Pour l'anecdote : Lambert est signataire du premier télégramme rédigé en langue d'oc, expédié de Montpellier à Frédéric Mistral le jour de son mariage. «Un banquet avait réuni près de Montpellier sur les bords du Lez quelques-uns des amis personnels du célèbre poète », banquet qui se terminera à deux heures de l'après-midi par l'envoi de la dépêche suivante


A Frédéric Mistral

Diéu garde a tout jamai Mistrau e sa compagno

Es antau qu'au jour d'uei brindon vòstis ami

Pau Gleiso, Antoni Gleiso, Enri Delpech, Espagno

Lambert e Boudarié, Anfos Rocco, Ameli

Cantagrel, président e touto la coumpagno.

(R.L.R., t. 10, 1876, p. 222) Le style rappelle celui d'autres écrits de circonstance de Lambert (voir bibliographie).

(19) Chabaneau, Roque-Ferrier, Tourtoulon, Glaize, seront majoraux du Félibrige.

(20) « Ses communications dépassent le chiffre de 300 » (Préface, Chants Populaires..., 1880).

(21) Parfois à plus de 100 exemplaires.

(22) Il avoue lui-même (Avertissement de la présente édition) le « désordre » de sa publication qui suit celui de la collecte.

(23) Préface, 1880.

(24) Bien avant la Revue des Patois Gallo-Romans de Gilliéron et Rousselot (1887-1892).


BIBLIOGRAPHIE DE LOUIS LAMBERT


Publié dans la Revue des Langues Romanes

- La Bago d'or, Il : 310-13.

- Chant des crieurs de nuit en Languedoc, Ill 122-26.

- Contes Populaires du Languedoc, XXVIII 47-51, 124-28


XXIX 143-53 XXI : 554-94 ; XXXII : 24-39, 234-42 ; XL 427-71 XLII 114-28.


- Chansons de printemps (extrait du recueil des Chants Populaires du Languedoc), XLVII : 418-41.


- Chants de travail. Métiers et cris des rues, LI : Il 1-42 ; 448-78 512-44.


- Chansons populaires du Midi de la France. Cris des rues, LIII 5-25.


- Chansons pastorales, LIV : 5-36 ; LV : 5-59.


Avec A. Montel :

- Contes populaires, Ill : 205-19 ; 386-428 ; IV 112-23.


- Contes et petites compositions populaires, IV 293-320 459-74 ; 558-99.


- Chants populaires du Languedoc, V : 482-85 VI 476-555 VII : 263-312 ; IX : 138-91, 317-44 ; X : 168-88, 281-302 ; XI 73-87 ; XII : 14-29, 235-67 ; XIV : 73-92.


Comptes rendus :

- Picambril, poème toulousain par P. Barbe, 1875, VII : 427-428.


- Romancero catalan par Mila i Fontanals, 1882, XXIII : 153-54.


- G. Doncieux, Le romancero populaire de la France, 1904, XLVII : 471.


Nécrologie

Charles Coste, XXXI : 620-22.


Dans d'autres revues :


- « Contes populaires de Bélesta (Ariège) », Bulletin périodique de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres, Arts, Foix, t. III, 1889-90, p. 311-339.


En volume :


- Magalouno : poésie provençale de W. Bonaparte-Wyse, mise en musique par Louis Lambert, Montpellier, Imprimerie Centrale du Midi, 1878.


- Lou XIV Juliet MDCCCLXXX, coumpliment a soun amic Ernest Micheu per Louis Lambert, Montpellier, Jean-Martel, 1882 (suite de poèmes dédiés au peintre Ernest Michel, directeur de l'École des Beaux Arts, Grand Prix de Rome).


Avec A. Montel:

- Chants populaires du Languedoc (avec musique notée), Montpellier-Paris, 1880 (réimpression Laffitte, Marseille, 1975). Cette édition reprend les chants publiés dans la R.L.R.

- Contes populaires du Languedoc, Montpellier, C. Coulet, 1899. Contes publiés dans la R.L.R.


- Chants et chansons populaires du Languedoc, 2 vol., H. Welter éditeur, Paris-Leipzig, 1906.


- La Pourcairouleto (Légende populaire recueillie en 1864 à Bélesta, Ariège), Mélanges Chabaneau, Erlangen, Fr. Junge, Libraire-éditeur, 1907, p. 307-310 (musique notée).


Iconographie


Un portrait de Louis Lambert (âgé) dans l'Hérault, Annuaire et Album, Flammarion, op. cit.


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