SECCION
DE LENGA D’OC
DEL PEN-CLUB INTERNACIONAL
PEN CLUB OCCITAN
PEN CLUB
FRANçAIS
2èmes Rencontres ALEM Narbonne 28,
29 et 30 Juin 2018
(ACTEURS DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EN EUROPE ET MÉDITERRANÉE)
ALEM, Actors de la Liura Expression en Eurò-Mediterranèa
L’Idèa Latina e la Patz en
Mediterranèa
L’Idée Latine et la Paix en Méditerranée
Compte-rendu de la manifestation
ALEM, Actors de la Liura Expression en Eurò-Mediterranèa… 28-30 de Junh de 2018
Pour la deuxième fois c’est en Occitanie, à Narbonne, sous l'impulsion du centre
PEN occitan qui a assuré l’organisation localement et
avec la collaboration du Centre PEN
français qu’a eu lieu la réunion de l'ALEM (Actors de la Liura Expression en
Eurò-Mediterranèa) avec le thème central "l'idée latine".
Partenaires :
Région Occitanie ; Pen Club Occitan ; Pen Club français ; CIRDOC ; IEO Aude ;
Commune de Bize-Minervois ; Association « Bize-Patrimoine » ; « Mille poètes en
Méditerranée » ; Radiò Lenga d’Oc Narbona ; Agglo du Grand Narbonne (à
confirmer)
Jeudi 28 Juin :
10 h-12 h : Accueil. Planning interventions (Maison des Jeunes et de la Culture)
Sylvestre Clancier, ancien président et désormais président d’honneur du
PEN-club français ouvre le colloque en rappelant sa fierté d’appartenir au PEN
club occitan, dont il avait aidé très énergiquement à officiliser la renaissance
et la réintégration dans le PEN International. Il indique que cette série de
réunions des écrivains du pourtour méditerranéen liés au PEN International ou
gravitant autour de lui et attachés à la défense des cultures et du droit
d’expression a vocation à se poursuivre. Tout le monde est attaché à l’idée d’un
congrès à Narbone tous les deux ans.
Les participants se présentent. Pour les occitans il y a : Miquèl
Decòr, Bizot-Dargent,
Pèire Pessamessa, Gui Matieu, Marie Rouanet, Offre, JG Roqueta, Alan
Rouch, Miquèla Stenta, Joan-Claudi Forêt, Eliana Tourtet, JF Brun. Il y a des
représentants diu PEN français et des PENs portuguais, hongrois, roumain,
slovène. C’est donc bien un colloque impliquant plusieurs sections de
l’Association Mondiale des Ecrivains qu’est PEN International.
L’ensemble du colloque s’articule autour de « L’idèa latina e la Patz en
Mediterranèa », thème assez large. Jean-Luc
Moreau PEN-club français n’a pas pu venir mais a adressé un texte qui est lu au
tout début et qui parle des migrants et s’achève ainsi « On
retrouva les corps sur la plage au matin. ». Gui Matieu (PEN-club occitan)
poursuit par un autre texte court avant que Pierre Coulmin (PEN-club français)
ne nous développe le thème de « La
Méditerranée comme carrefour ». Pour lui la méditerranée n’est « pas une
culture mais un amoncellement de cultures. … et l’approche qu’on peut en avoir
se modifie au XXI e siècle ».
JF Brun, président du PEN occitan, présente ensuite un diaporama powerpoint de
146 images qui récapitule l’histoire de « l’Idée Latine ». Une intuition du
médecin montpelliérain Claude François Lallemand (1790-1854), reprise par les
acteurs de la renaissance occitane et catalane dans les années 1870 comme une
perspective pour élargir leur projet culturel, montrant ainsi qu’il y a là
tout le contraire d’un enfermement
localiste, et que les occitans ne veulent pas comme on le croit à Paris trahir
la France en pratiquant une autre langue. Au contraire, ils imaginent une large
fraternité des peuples pratiquant une langue romane. Cette idée connaîtra des
hauts et des bas, sera récupérée par diverses ambitions politiques au cours du
XXe siècle. Une Union Latine sera effectivement créée en 1954, mais finira par
être dissoute en 2012 faute de subventions. Il en reste l’image d’une généreuse
utopie sabordée par les politiciens qui l’ont instrumentalisée, mais qui a
popularisé la culture occitane en Italie et en Amérique Latine où elle est
curieusement très appréciée et bien connue des lettrés…
Alix Parodi (PEN Club Suisse Romande) récapitule la situation de la diversité
linguistique en Suisse. Marie Rouanet (invitée par les deux centres PEN
organisateurs) met l’accent dans son intervention la grande ambition de Frédéric
Mistral pour sa langue dont il ambitionnait de restaurer le prestige « des Alpes
aux Pyrénées ».
Miquèl Decòr (PEN-club occitan) présente alors un texte intitulé : « Figas,
messòrgas e cruseletat » qui montre combien c’est le mensonge qui constitue
la racine de la violence.
Sylvestre Clancier, ancien président et désormais président d’honneur du
PEN-club français reprend la parole pour développer le thème : « De
l’idèa grecò-latina ipotetica d’un pacte civilizacional fins a …. ». Il
présente dans une perspective historique la mise en place de l’empire romain et
donc de la « romanité », un monde guerrier qui se changea progressivement en
espace de civilisation apaisée avant de se disloquer à l’occasion de conflits
multiples. Sur ce terreau naissent des projets de civilisation comme la culture
occitane du « trobar » et de l’amour courtois aux XII-XIIe siècle, remarquable
avancée du vivre ensemble. Mais cette civilisation fut égorgée dans son berceau.
Plus tard ce sont les philosophies européennes à la suite de celle de Spinoza
qui vont élaborer des conceptions du monde basées sur la paix. Il conclut en
souhaitant « que cette utopie devienne notre topologie »… « Qu’aquesta
utopia venga nòstra topologia ».
Ifigenia Simonov (PEN-club slovène) lit alors des textes engagés en slovène qui
indiquent comment la paix peut retrouver son chemin au cœur des pires conflits,
comme celui de l’ex-Yougoslavie. Maria Rouanet chante le troubadour Marcabrú
adapté en occitan moderne par Léon Cordes. Séance de lecture de poèmes modernes
en portuguais, occitan et roumain. L’un des textes dit : « Le poème est un
pansement autour du cœur » « Lo poèma es un emplastre a l’entorn del còr. »
Vendredi 29 Juin :
Dinu Flamand (PEN-club roumain) écrivain qui nous vient de Transylvanie, nous
développe la composante latine de l’identité retrouvée au XIXe siècle de ce pays
enclavé dans le monde slave. Après 1838 c’est la redécouverte de cette latinité
de l’ancienne Dacie annexée jadis par Trajan à l’Enpire Romain, qui a lancé la
renaissance et fait apparaître un nouveau pays sur la carte du monde. « Une
langue, dit Dinu, est une chose d’une force incroyable ». Grâce à leur langue
les roumains n’ont jamais été assimilés complètement dans le monde slave. 70% du
vocabulaire roumain est à base latine, le reste étant d’influence slave, turque
ou hongroise. Le populaire mythe de Dracula largement réinventé par Bram Stoker
est en fait une superstition latine, celle des stryges buveuses de saang,
acclimatée dans les Carpathes.
Miquèl Decòr (PEN-club occitan) fait alors une intervention sur une localité des
USA dont il a fait la découverte lors d’un récent voyage et qui se dénomme
Valdiz (en North Carolina). Cette localité a été fondé par des Vaudois des
Vallées Occitanes d’Italie qui avaient travaillé au chemin de fer américain et
sont demeurés occitanophones….
Magalí Bizòt présente pour sa part l’exemple symétrique d’indiens d’Amérique
venus en Provence avec le cirque de Buffalo Bill et qui ont fait souche à
Marseille où ils étaient devenus occitanophones provençalophones… Maria Rouanet
nous parle alors d’une autre mer
originelle dans laquelle nous avons baigné, qui est le liquide amniotique, une
autre méditerranée dont nous conservons secrètement la nostalgie.
Edvard Kovac (PEN-club slovène) présente la réintroduction des études latines
dans son pays à la suite de l’effondrement du bloc communiste. Pour lui
« l’esperit de la Latinitat es l’esperit de la Civilizacion », et le latin nous
enseigne à penser droit. Les grecs, ajoute-t-il, ont inventé la notion de
l’Infini en contemplant l’horizon marin.
A la suite de ces communications nous assistons à une présentation par le CIRDOC
du manuscrit du « Brevari d’Amor », grand traité encyclopédique écrit par le
troubadour bitterrois Matfre Armengaut et magnifiquement illustré d’enluminures.
Le soir, à l’invitation des « Mille poètes en Méditerranée » a lieu une une
soirée d’échanges poétiques dans les diverses langues du colloque.
Samedi 30 Juin :
Le samedi Eliane Tourtet (PEN-club occitan) présente
son activité militante de libraire occitane dans « l’Espaci Occitan de las
Aups ». Et Jean-Claude Forêt (PEN-club occitan) présente son activité éditoriale
dans le cadre des éditions « Jorn » dont il rappelle l’histoire. Sylvestre
Clancier (PEN club français) présente son nouveau projet d’une anthologie
poétique de textes brefs traduits dans toutes les langues latines et qui
pourrait se dénommer : « poesia latina ».
Françoise Coulmin (PEN-club français) présente l’état des lieux des actes du
colloque précédent de 2015. La subvention promise ayant finalement été annulée,
l’ouvrage dont l’élaboration a pris deux ans est finalisé sous la forme d’un
e-book de 176 pages téléchargeable sur les sites du PEN français et du PEN
occitan. Les actes du présent congrès sont mis en chantier.
Teresa Cadeta (PEN-club portuguais) développe le thème du déracinement qui est
une menace, en prenant l’exemple d’une récente réforme imposée de l’orthographe
du portuguais qui coupe arbitrairement cette langue de ses références
étymologiques gréco-latines. Gui Matieu (PEN-club occitan) lit alors un poème
sur l’olivier.
Pierre Pessamesse (PEN-club occitan) fait alors un exposé très documenté sur les
écrivains d’oc dans la tourmente de la guerre de 1914. Beaucoup mourront dans
les tranchées, certains laissant des textes inoubliables comme le montpelliérain
Louis Bonfils. La langue d’Oc, par essence transgressive, permettait un autre
discours en décalage avec l’unanime célébration française de la mort glorieuse
et nécessaire des héros. Les « journaux de tranchée » en occitan constituent une
riche matière (les 322 numéros de « L’echo
du Bosquetau (dau bosqueton) » de Boudon-Lashermes, « Lou Gal » de
Montpellier, la « Gazeto Loubetenco »... Bouleversants
témoignages directs de la vie des poilus et prisme de la langue d’Oc qui permet
un tout autre regard.
Ghislaine Brault Molas (PEN-club
français) a creé une maison d’éditions dont elle nous présente les réalisations.
Elle aussi s’interroge sur le thème de
la « latinité » et se demande comment celle-ci peut être porteuse de paix. Le
terme « Pax Romana » fait son
apparition dans Tite Live à propos de la paix qui fait suite à la destruction de
Carthage. Sénèque parlera d’un espace de prospérité raffinée qui intègre et
prolonge la culture grecque. Cette « Pax Romana » nait à la suite de conquêtes
guerrières sanguinaires, mais prend sa dimension lorsque l’empereur Caracalla
octroie la citoyenneté romaine à tous les habitants de l’empire. Ce qui fait
deux millénaires plus tard que la latinité demeure une communauté humaine. Elle
conclut en citant Gabriel Audisio qui se disait citoyen de Méditerranée en tant
que concitoyen de tous les peuples de la mer. Et Sayad Darwich qui disait que,
comme son pays n’existait plus, il avait pour patrie la langue.
Philippe Pujas (PEN-club français) se demande si la
Pax Romana n’est rien d’autre qu’une
paix armée. L’échec de l’idée latine se prolonge par le réflexe de s’opposer aux
sociétés dans lesquelles on ne se reconnait pas : par exemple la civilisation
germanique. Il y aurait une tradition allemande de « laideur dans l’Art » alors
que la latinité et la culture occitane sont des cultures de la beauté : « Il y a
là un espace de beauté. On peut la revendiquer ».
Le problème d’aujourd’hui serait de savoir comment résister au
rouleau-compresseur civilisationnel de la
Pax Americana. Philippe conclut avec une phrase encourageante pour les
occitans : « L’histoire occitane est une histoire de vaincus avec tout ce que
cela porte d’énergie rentrée, et d’envie d’en sortir ».
Magalí Bizòt (PEN-club occitan) lit un poème de Danielle Julien, sur le Rhône,
puis Silvia Aymerich Lemos (PEN-club catalan) présente son ambitieux projet
“Versions Multiples”, Teiriç Offre (PEN-club occitan) nous montre combien la
langue d’Oc véhicule une culture de l’Universel
Antoine Anderson (PEN-club français) discute les concepts d’universel,
d’uniforme et de commun. Il nous cite pour cela François Juline « il
n’y a pas d’identité culturelle ». « Où
placer le curseur entre la tolérance et l’assimilation ». Il est trompeur de
parler de la différence en isolant les cultures. Il faut plutôt parler d’écart
mettant en tension et promouvant des valeurs qui s’avèrent communes. « L’uniforme
n’est plus que la répétition de l’1, il n’est plus inventif ». Il faut donc
se garder de ne pas penser le commun en réduction au semblable.
Une table ronde d’échanges clôt le colloque. La persistance des langues est-elle
liée à l’existence d’une littérature ? Il est certain que celles qui n’en ont
aucune sont terriblement menacées. Mais Teresa Cadeta (PEN-club portuguais) nous
indique que la langue Galicienne s’était conservée sous une forme vernaculaire
durant des siècles avant de renaître sous l’influence de Rosalia de Castro.
Edvard Kovac (PEN-club slovène) se réjouit de la richesse de ce colloque. Il
explique que depuis que la Slovénie est devenue indépendante la défense de sa
langue est moins vigoureuse et l’anglais gagne du terrain. In ajoute que la
Poésie est une langue universelle, au sens kantien d’« Impératié Catégorique »
qui est l’exact contraire de l’instrumentalisacion de l’individu. Pierre Coulmin
(PEN-club français) interroge la
Pax Europeana. Qu’en penser ?
Philippe Pujas (PEN-club occitan) pense que l’Europe devrait saisir l’occasion
du brexit pour redéployer sa
diversité linguistique en déclin. Car, comme le dire Teresa Cadeta (PEN-club
portuguais) on peut mettre sur le même plan d’importance la diversité
linguistique et la biodiversité.
Ces journées se terminent par une excursion à
Bize-Minervois avec
visite commentée de la « circulade » et
repas offert par la municipalité. En soirée, les participants lisent à plusieurs
voix la toute récente traduction en occitan du CID de Corneille par Guy Mathieu
(PEN-club occitan).
Les participants sont invités à transmettre leurs textes pour le recueil des
actes en préparation.