Pèire Pessamessa
(1931-2019)
Pierre Pessemesse est né à Marseille en 1931 et avait passé
toute sa vie dans le Lubéron, à Buoux, dont il fut maire durant 28 ans. Imposant
la présence de la langue d’Oc comme une évidence en ce site très touristique de
Provence où, hélas, une pression de déculturation très puissante s’exerce pour
effacer définitivement la personnalité linguistique des lieux. Son initiative
d’éditer en occitan et non en français les billets de visite du fort de Buoux
lui avaient même valu un procès ! …
Pierre Pessemesse avait fait de solides études à Apt puis à
Aix, obtenant une licence d’Allemand. Cette formation l’avait amené à une brève
carrière d’enseignant, qu’il s’était empressé d’interrompre dès 1960. Il avait
changé de voie et ouvert une hôtellerie dans la propriété familiale des
Seguins, au cœur de son cher Lubéron.
C’est en 1954 qu’il avait fait une entrée fracassante en
littérature d’oc, en publiant, en compagnie de Serge Bec, le fameux volume
intitulé « Li Graio Negro ». Les deux jeunes provençaux
ruaient dans les brancards, ils refusaient la mort lente et le repli dans le
passéisme de leur culture, et rejoignaient très logiquement le mouvement
occitaniste encore très confidentiel en ces années-là. C’était pour tous les
deux le début d’une activité foisonnante qui allait se poursuivre plus d’un
demi-siècle. Serge Bec sera un immense poète lyrique d’inspiration amoureuse,
et Pierre Pessemesse sera tour à tour romancier (« De fuòc amb de
cendre » en trois tomes 1973, 1976, 1978), nouvelliste (Beluga de l’infern
(1954), Nhòcas e bachòcas (1957), Automnada (1959), La terra acampassida (1963),
Viatge au fons de la mitologia (2008 ), essayiste (Escrichs 1955-1975 ; «A
la recèrca de l’identita occitana » 2010 ), journaliste, animateur d’émissions
radiophoniques, homme de cinéma et de télévision. Ces dernières années, il
avait même à Apt créé une troupe de théâtre pour laquelle il écrivait des
pièces en provençal, plutôt ambitieuses malgré la faiblesse des moyens dont il
put disposer.
Il avait été couronné du Grand Prix Littéraire de Provence
en 2012, ainsi que du Pres di Jo Flourau
dóu Felibrige, et avait été nommé à cette occasion « Mèstre en Gai
Sabé » du Félibrige. Signe
indiscutable de la radicalité de son engagement culturel, ses quatre enfants.
Marie-Laure, Estelle, Amélie et Simon, parlent merveilleusement le provençal
qu’il leur a transmis activement dès le berceau au cours même des années où
l’effacement de cette langue sur son territoire prenait une dimension abyssale.
Les occitanistes de cette génération n’ont pas tous, loin de là, poussé aussi
loin leur engagement…
Il était attaché à la variété provençale de la langue
occitane sous sa forme la plus authentique, reproduisant le langage parlé, et
ne cessait de brocarder ceux qui employaient une langue tarabiscotée, des mots
inusités, ou des tournures syntaxiques qui s’éloignaient de l’usage naturel.
C’est cette langue simple, flexible, vivante, qu’il illustrait dans ses écrits
(nouvelles, romans, essais). Il l’écrivait dans les deux graphies : la «
mistralienne » à laquelle beaucoup de provençaux restent attachés, et qui
reproduit la phonétique de la langue parlée, et « l’occitane », plus savante,
mise en place dans la première moitié du XXe siècle, et rétablissant l’unicité
profonde de l’ensemble des parlers « dis Aup i Pirenèu ». C’est en graphie
mistralienne qu’il écrivait pour le vaillant mensuel d’actualités en provençal
« Prouvènço d’aro ». Au moment de son décès, un court roman était encore en
cours de parution en feuilleton.
C’est incontestablement un des personnages les plus actifs
et les plus intéressants de l’occitanisme contemporain qui s’éteint. Son humour
inimitable, son anticonformisme, l’intensité de son engagement, l’abondance de
son œuvre, font qu’il restera longtemps présent malgré son départ sur cette
scène occitane qu’il avait si passionnément animée.
President d'onor de
nòstre PEN occitan que n'aviá seguit l'istòria desempuòi sa fondacion en
Avinhon en 1961. Se disiá sempre "escrivan occitan d'expression
francesa" e aquò èra pas de paraulas bufècas. Car s'engatgèt per
l'occitan quora trabalhava a l'ORTF e aquò li vauguèt bravament de
desaguicis. O regretava pas. Escriguèt: "Aquela lenga siaguèt mieuna, fai
mila ans. La parle pas, es tot escàs que la legisse; mas quand lo vent fronzís
las montilhas, que la mar de l’equinòxi bolhís, que tindan las garrigas de la
ràbia solara, sabe que son plan vius los mots que la disián." Los
escrivans occitans l'omenatgèron a Salinèlas en junh de 2019. Moment
d'esmoguda. Semblava un ròc, a l'espròva dau temps. Ara se n'es anat e
ne sèm bravament entristesits.
Joan Maria « escriviá
de poèmas ont los aucèls cantavan / d’arbres-poèmas ambe d’amor a cada fuelha ».
E aqueles poèmas banhan « dins l’embelinament del mond ».
Los
podèm legir e relegir. Ne giscla una fòrça que nos reviuda. Me maine
après sa despartida qu'èra un de nòstres grands escrivans. Nos demòra
d'avalorar l'auçada d'aquela òbra.
D'escotar: fragment de son poèma “T’ai amada”que se pòt sus lo sit d’Occitanica recitat per lo quite Sèrgi Bèc.