La literarura patoesa carnavalesca dau sègle XIX:documents

Las prumièiras annadas dau sègle XIX son las de la literatura "patoesa". Es lo temps de las pastoralas, de las cançons popularas carnavalescas... E pasmens los autors son de borgeses letruts. Pèire Azemà nos explica tot aquò dins sa charradissa "La musa montpelhieirenca en lenga d'òc au temps de Francés-Xavièr Fabre (1766-1837)". I destriam los dos fraires, Ciril e August Rigaud, August Tandon lo "trobador de Montpelhièr", Francés-Raimon Martin (1777-1851), August Guiraud (1778-1849) qu'obtenguèt un grand succès teatral en 1808 amb sa pèça: "la Fònt Putanèla", l'avocat Brunièr, editor (e seguidor!) de l'abbat Favre, Beneset Gaussinèl, L. Teodòr Paulinièr, Eustache Bertrand-Benié (1776-1819) o per o far mai cort , Bertrand (dich tanben Musica) lo (pro mediòcre) poëta de Botonet, Joan Jordan (1763-1835) que revirèt lo Cant II de l'Eneïde en 1810, Leon Rovièira (1810-1848)  jornalista, cançonièr politic, e autor d'una revirada de l'Eneïde ont "le burlesque s'aventure jusqu'aux environs de la licence", Cesar Brun lo poëta dau "recensament" jota lo rei Lois Felip, Teodòr Ipèrt (las dolenças de dòna Margarida, lo vin dau Purgatoera)...

Entre 1851 e 1870, aquela tradicion se deslarga amb un los "trobadors" patoesejaires que dònan tot son pèbre als divertiments carnavalencs. Dos articles interessants nos presentan aquel mond esvalit: un d'Enric de Boquet dins l'Armanac Montpelhieirenc (una publicacion de Ròcaferrièr) en 1900, e un tròç d'un autre de Felip Gardí en 1985 dins la Revue des Langues Romanes. Aquò poiriá interessar los etnografs o los etnosociològs. 

Los "trobadors" dau carnaval au mitan dau sègle son Jonquet dau Plan de l'òlm, Joan de Verdèl, Falcon, Fauquièr, Bodon, Lostau, Ipolita Ròch...

Tota aquela saba populara se perlongarà au sègle XX amb lo teatre de Dezeuze, Tulet, e... Max Roqueta. Aqueste darrièr ne farà a de bòn de literatura...

1. "Les divertissements carnavalesques de Montpellier"

Enric de Bouquet, " Les divertissements carnavalesques de Montpellier ", Armanac Mount-pelieirenc, 1900-1901, p. 68-70, 73-74, 74-80.

Sous le règne de Louis-Philippe, il y eut des cours coculaires et des cavalcades dans les quartiers suivants : le Plan-de l'Olivier, le Plan-de-l'Om, la rue Basse, les Carmes, la Valfère, les faubourgs de Nimes, de Boutonnet, du Courreau, de Saint-Dominique (aujourd'hui Celleneuve), et du Carré-du-Roi, aujourd'hui Saint-Jaume.


Sous Napoléon III, tous ces quartiers reprirent leurs divertissements, excepté ceux du Plan-de-l'Om, de la rue Basse et de la rue des Carmes. Les quartiers qui firent le plus grand nombre de cavalcades sont le faubourg Boutonnet et le Plan-de-l'Olivier.
Pour éviter les frais énormes qu'entraînait toute exhibition de ce genre le Courreau et Saint-Dominique s'alliaient et ne faisaient qu'une cour et une cavalcade. Le cortège des
deux quartiers ne différait pas des autres cortèges ; on y ajoutait seulement un char de pêcheurs napolitains.


Lorsque le faubourg Saint-Dominique faisait à lui seul une cavalcade, tout le cortège, cavaliers, suite et troubadours, était habillé en pêcheurs napolitains. Lorsque la plupart des quartiers formaient des cavalcades, celles-ci sortaient, deux le mardi-gras ; deux le dernier dimanche, et deux l'avant-dernier dimanche du Carnaval.


Le faubourg Boutonnet sortait toujours le mardi soir ; ce droit lui était depuis longtemps reconnu. Lorsque Boutonnet et le Plan-de-l'Olivier avaient seuls organisé des cavalcades, le Plan-de-l'Olivier sortait, l'après-midi du dernier dimanche du Carnaval.
En sus de sa cavalcade, le faubourg Boutonnet avait le privilège de noyer le Carnaval l'après-midi du mercredi des Cendres.


Les jeunes gens revêtaient de longues chemises de femme et un bonnet de coton blanc sur la tête, faisaient cortège à un mannequin farci de paille, figurant le Carnaval, allongé
sur un drap de lit porté par six jeunes gens. Sur chaque place le cortège s'arrêtait et chantait les paroles suivantes que M. Jean Camomille, chef de musique du 142°
de ligne, a bien voulu harmoniser et comprendre dans sa première sélection d'airs languedociens :

Adieu, paure (ter) Carnaval,
Tus t'en vas e ieu demòre,
Adieu, paure Carnaval !

Ils criaient ensuite :

Un, dos e tres !

Après le mot " tres ", les six porteurs donnaient un coup vigoureux, et faisaient voler le plus haut possible leur mannequin. Ils s'arrangeaient pour qu'il retombât sur le drap de lit et dans ce cas, ils s'écriaient :

La palhassa i es ! ! !

Immédiatement après, les six porteurs se jetaient à genoux, les jeunes gens du cortège les entouraient et chantaient, sur l'air d' "Adieu, paure", le menu qu'avait mangé Carnaval et qui l'avait fait mourir.
A chaque station, les porteurs se mettaient à la fin du cortège ; ils étaient remplacés par ceux qui étaient en tête, les uns et les autres passant ainsi croque-morts à tour de rôle. Actuellement l'enterrement est fait par tout le monde, à la nuit, et on ne manque pas d'y quêter pour boire.

Le Plan-de-l'Olivier avait, s'il est permis d'ainsi parler, sa spécialité carnavalesque. En outre de la brillante cavalcade du dimanche, il organisait une "asinade" le mercredi ; les chevaux en étaient exclus. Par contre, tous les ânes de Montpellier étaient mis en réquisition.
Il n'y avait à pied que les sapeurs et les tambours, qui étaient habillés comme le dimanche. Le restant du personnel montait sur des ânes et revêtait des costumes de femmes de tous les pays environnants, agricoles ou non : la Béarnaise, la Toulousaine, la Provençale, la Bourguignonne, s'y voyaient parées du costume et des atours particuliers à leur pays.
Les uns, ou pour mieux dire les unes, portaient un râteau ; d'autres une corbeille d'herbes, d'autres un panier d'escargots, qui des fruits, qui des raisins, des melons, des courges ; qui un râteau, qui une serpette, une faucille ou une faux, qui des sarments, de la paille, de la luzerne, qui un " bigot " ou pioche à deux dents.
Certaines criaient de temps en temps leur marchandise, comme le font encore les vendeuses montpelliéraines :

D'ensaladeta fina !
De bòn vinagre, quau ne'n vòu ?
Un bòn melon de Cavalhon !

On chantait les chansons du quartier sur les places.
En parlant cavalcade, il m'est impossible de taire un fait caractéristique qui mérite d'être rappelé aux jeunes Montpelliérains.
On se demande comment il se fait que lorsqu'on organise, avec le concours de la garnison, une cavalcade au profit de certaines œuvres locales, les souscriptions et le produit de la quête ne couvrent pas les frais avancés par le comité dirigeant ; en 1868, lors de la guerre civile des Etats-Unis, les ouvriers (en coton) de Rouen, se trouvant dans la misère, les huit différentes cavalcades de notre ville quêtèrent chacune en particulier, afin de leur venir en aide ; le quartier qui obtint le plus beau résultat fut celui du Plan-de-l'Olivier
qui, à lui seul, recueillit 1900 francs, et les versa entre les mains de M. Piétri, alors préfet de l'Hérault.

Certaines cours étaient ennemies et se jalousaient mutuellement. 

D'autres, comme le Plan-de-l'Olivier et la Valfère, étaient amies et alliées.

Les deux cours se visitaient et s'envoyaient des ambassadeurs.

Le jour où l'une devait recevoir l'autre, le ban et l'arrière-ban des deux royaumes étaient convoqués et, rois et tribunaux en tête, se rendaient sur les confins de leurs quartiers
respectifs, c'est-à-dire à l'entrée de la Juiverie, entre le magasin de Maumejan, celui du " Persan" et la "Poissonnerie" (1).

(1) Cet édifice, assez considérable, remontait au dernier siècle. Il disparut sous l'administration Pagézy, il y a quarante-cinq ans environ. (=vers 1855).

Les tambours battaient, les drapeaux se saluaient, les deux rois, avec leurs belles cornes dorées, s'embrassaient cordialement.
Puis les tambours des deux royaumes amis se mêlaient ensemble, ainsi que les deux peuples et les deux tribunaux, et l'on se rendait dans le local du royaume qui donnait l'hospitalité.
Une fois arrivés, chaque peuple chantait à tour de rôle les vers que ses poètes respectifs avaient été chargés de composer en montpelliérain.
Les airs de quatre de ces compositions : " l'Endustria dau Plan de l'Olivièr ", " las Sabonairas", "Amitiá joiosa " et " lo Nòble Campanhard", ont été harmonisés et compris dans la seconde sélection d'airs languedociens formée par M. J. Camomille, chef de musique du 142 de ligne.
Deux autres airs : "l'Olivièr", "lo Plan de l'Olivièr " et " Cantem, celebrem...." figureront dans la troisième.
Après cette réception, la cour visiteuse était reconduite avec le même cérémonial à la limite du quartier, et tout se disloquait, après que les tambours avaient battu aux champs.
Les cours de l'intérieur de la ville étaient des cours " royales" ; celles des faubourgs étaient des " empires ", excepté le Carré-du-Roi qui gardait le nom de royaume à cause de son nom.
Chaque cour avait ses limites où cessait son droit à lever des contributions, et que les voisins n'osaient dépasser.
La formation de la Cour vaut la. peine d'être notée.
Lorsqu'un quartier avait des velléités de cavalcade, quelques hommes notables se réunissaient pour en former la chancellerie. 
Ils appelaient un tambour qui, pendant trois jours, après le souper, battait ]a caisse en faisant le tour des frontières, afin d'avertir les habitants qu'une cour coculaire était en création.


Le lendemain, leurs partisans et leurs amis se rendaient au local.
Le quatrième jour, on nommait définitivement l'administration(chancellerie), les juges (le plus souvent ceux de l'année précédente), les gendarmes, le caissier, etc., etc.
Tous les emplois étaient gratuits, y compris celui du caissier, qui était obligé d'assister à toutes les séances, après le souper, sans en excepter les fêtes et les dimanches, afin que tout le monde pût contrôler si son obole figurait exactement sur la liste de la Cour. Les vols étaient impossibles.
Les chanceliers, pour donner l'exemple, versaient chacun tant de "millions" affectés aux frais de la cavalcade ; celle-ci consistait en quatre chars ; les costumes du roi et de la reine étaient supportés par le budget commun.
Les autres adhérents de la cavalcade se costumaient et se fournissaient à leurs frais de tout ce qui leur était, nécessaire.
Dans ces cours, on ne parlait que par " millions ". Un sou équivalait à un million.
Le roi était nommé à vie.
Lorsqu'on lui donnait un successeur, on choisissait, dans le quartier, celui qui avait une belle prestance, qui était gros, à figure bonhomme.
La reine était nommée à chaque cavalcade. C'était un jeune homme imberbe et blond qui tenait ordinairement ce rôle
Une fois la première quinzaine de son existence passée, la cour envoyait des gendarmes, porteurs de chaînes, chez ceux qui n'étaient pas venus lui rendre visite, c'est-à-dire qui
o n'avaient point envoyé leurs millions ; on les enchaînait et on les conduisait devant la cour, qui les condamnait suivant leurs moyens.
Le local de la cour se composait d'un premier étage pour la chancellerie et les troubadours ; ceux-ci y apprenaient les chansons nouvelles du poète populaire Jonquet, afin de les chanter devant les diverses autorités, le jour de la cavalcade ; au rez-de-chaussée se réunissait le peuple, on y élevait toujours une estrade où se tenait la cour et au bas de laquelle les personnes qui refusaient de rendre hommage à Sa Majesté
étaient amenées de gré ou de force pour rendre raison de leur conduite.
Dans ces cours, tout homme marié était " cornard " ; ceux, qui ne l'étaient pas étaient appelés " corniu ".
La plupart des mariés du quartier venaient payer leurs "millions", les envoyaient ou les faisaient porter.
Les réfractaires étaient "charriés" par les "gendarmes" envoyés par la chancellerie, et conduits enchaînés devant la cour.
La cour se composait d'un président, de six juges et d'un greffier ; on demandait alors à l'inculpé pour quel motif il s'était abstenu de rendre hommage au grand roi des cornards.
Les réfractaires répondaient et, après, la cour délibérait.
Pendant la délibération, le réfractaire était conduit sur l'estrade au milieu des juges.
Le président criait: - "Cornard X..., vous êtes condamné à tant de millions, à la majorité."
Aussitôt, les six juges criaient continuellement, en frappant avec un carton sur la tête du patient, jusqu'à ce qu'il se fût sauvé de milieu d'eux : - " A la majorité, à la majorité ! "
L'habitude voulait que les juges eussent entre les nains un bâton en carton, qui leur servait à frapper les réfractaires.
Chaque soir la cour était en robe.
I,'usage voulait encore que le président, après avoir fait décliner les noms et prénoms, demandât au prévenu : - Citoyen X..., êtes-vous "cornard " ou " courniu ?
Lorsque la cour voyait qu'elle avait affaire à un " cornard " ou "cornieu " qui, amené de force, ne voulait absolument pas payer l'amende qu'on lui avait infligé, elle chantait sur l'air du Chevalet :


Garda tos escuts ;
Sèm totes cossuts :
Lou mendre t'achetariá tus.
D'aquelas avanças,
Ne'n volèm pas ges :
Nòstres còfres son plens,
E nòstas finanças
Son en bòn estat
Lou tresòr a totjorn montat.



Lorsque, dans l'assistance, il se trouvait un brouillon ou 'un étranger envoyé par une cour ennemie, pour faire du tapage, diviser les adhérents ou les empêcher de s'entendre, la chancellerie était prévenue.
Si elle décidait l'expulsion, on se donnait le mot d'ordre dans la salle et tout le monde chantait :

Amics ou estrangèrs,
Se veniatz troblar la pátz,
Nos empachar de rire,
Alòr nous entendriatz fachar :
N'auriam qu'un mot à dire 

E seriatz reprimats.

Après, les gendarmes, s'adressant au perturbateur, lui disaient : 

- " Sortís o te carrejam ".


Les séances de la cour avaient lieu chaque soir, de huit à dix heures, jusqu'au jour de la cavalcade des ânes, le mardi gras Avant de lever la séance, on chantait un chant de carnaval.
La cavalcade était ainsi composée :
En tête, comme éclaireurs, trois ou quatre postillons, un "caporal-sapeur et douze sapeurs, tous habillés de blanc, portant la hache sur l'épaule.
Venaient ensuite huit tambours, habillés aussi en blanc.
Après les cavalier s, en grand nombre, richement montés et  costumés en seigneurs, marchait le char des troubadours, puis le char des juges ; suivaient les gens à pied, la petite noblesse; le char des ambassadeurs et, enfin, le char du roi.


Le roi, portant le. diadème sur la tête, ainsi que la reine, assise à ses côtés, était au plus haut du char.
Le roi tenait entre ses mains le symbole de la cour, une perche au haut de laquelle on adaptait, en forme de croissant les deux plus belles cornes dorées que l'on avait pu trouver.
Sur les marches inférieures étaient assis les pages et les gens de la cour.
Sur le derrière du char du roi se trouvait la place du " Roquelaure " qui, par ses saillies, souvent trop assaisonnées de burlesque, déridait la populace.
Le Roquelaure sans esprit remplaçait les saillies en se barbouillant la figure avec du raisiné et en mangeant dans un pot de chambre.
La cavalcade s'arrêtait sous le balcon des autorités de la ville ; les troubadours y chantaient les chants que les poètes du quartier avaient composés pour la circonstance.
A la Préfecture, le Préfet faisait ouvrir la porte en fer du jardin, le char des troubadours entrait et se plaçait alors sous le balcon.
On appelait " troubadours " ceux qui chantaient les poésies des poètes, et - que les fervents du moyen âge ne leur en gardent pas rancune - tous ces troubadours étaient costumés en mousquetaires.
Leurs chants vantaient ordinairement lés produits et les habitants du quartier.
Lorsque la cavalcade était arrêtée par une trop grande foule ou par un embarras de la voie publique, le char des juges donnait une séance.
Sur ce char se trouvait un prévenu, habillé en femme. Le procureur énumérait les méfaits de la femme: fainéantise, querelles à son mari, intrigues galantes, adultère.
L'avocat répondait.
Après la délibération de la cour, le président prononçait la sentence. Aussitôt, les membres de la cour tout entière brandissaient leurs cartons en l'air, à droite et à gauche, et chantaient :

Lo paire Bonifaça
Se laissava coifar
Per una miehcnta femna
Que se'n vai descojar. 

Paura femna, baissa-te,
Sarra ben ta canhòta, 

Car, se la vòs pas pausar,
Lo papièr vai tombar.

Immédiatement après ce chant, tous les cartons des juges s'abattaient, pendant plusieurs minutes, à coups redoublés sur la tête de la femme.
Le soir du mardi gras, après la cavalcade des ânes, à huit heures du soir, la cour coculaire du Plan-de-l'Olivier se réunissait à la rue des écoles-Pies, assez large, mais située dans un bas-fond et en carrefour, à l'abri du vent; une. table était dressée dans toute la longueur de la rue, à laquelle chacun
prenait place en déposant ses plats, son boire et sa lumière.

C'est ce qu'on appelait le souper à la chandelle.

Après le pouce-café, on chantait les anciennes poésies. On levait la séance en chantant
 en choeur de l'année.


Enric de Boquièr.

 

2. Le répertoire des cours coculaires 

(Ph Gardy: Montpellier - Clapas ou les plaisirs partagés de l'oraliture. Rev Langues Romanes, 1985, LXXXIX, N°1, pp 73-91). 

Le répertoire des cours coculaires montpelliéraines, ces " tribunaux " de Carnaval où était rendue, quartier par quartier, dans la bonne humeur, la police des mariages (43) est largement anonyme. Les minces recueils de chansons satiriques, en français ou en occitan, imprimés entre 1830 et 1840, sont très certainement l'œuvre de " chansonniers " amateurs, dont la communauté de quartier avait fait ses porte-parole attitrés : Vestrepain, le bottier toulousain, exerçait un tel ministère auprès des tribunaux carnivores de sa ville, et nombreux furent, jusqu'aux années 1900-1920 au moins, les " poètes " qui exercèrent ainsi leurs talents au service des cours coculaires dressées dans les villages viticoles de l'Hérault. Les couplets que nous avons conservés insistent tous sur deux grandes séries de thèmes : le rassemblement des habitants du quartier, la critique des comportements matrimoniaux et sexuels jugés excessivement déviants de tel ou tel. Ecrits locaux à propos du lieu, ils donnent à entendre, collectivement reçus, les emblèmes de la " communauté " (44) parmi lesquels figure en bonne place le parler de la cité et, plus encore, du quartier. Deux passages suffiront ici à rendre évident ce souci d'exactitude :


" Abian dins nostra trabèrsa
Un parél dé bilaniès,
Quant èrou à la fenèstra,
Pudissièn coum'un fumiè ;
Acos és très souldatièïdas
qué sé fan bèn ramounà,
Soun dé bounas trabayaïdas
Tout lou moundé ou proubadà. "

" Sé parlan de la Rouchèla,
La maqua nous ou didà,
Anabou à la Bèoufèda
Pèr sé faïdé répassà,
Mais las troubèrou pourridas
Lou tin y' abiè pas téngut,
Aousi las paoudas manidas
S'émban émbé lou cuou nut. "

(Cansou d'un rèy das Cournars, 2 : Aoutra)

" Din lou quartiè
Y'a ûna Cafétièïra
Qu'és ûna bôn'ouvrièïra :
Ela chôga for bén
Dé soun béou instrumén.
Caou vôou véni,
Aïci din sa cousîna,
Véïré sa bôna mîna,
Et per chucha daou fèt,
D'aquél michan suchèt.

Lou Médéci
Qué rèsta à la Véoufèra
Savèn qué n'és lou pèra,
D'aquél énfan tan bèou
Qu'éla paousara léou.
Et lou vési
Qué a sachut yé plaïré,
Yé fai bén soun afaïré ;
Quan vèn din soun oustaou
La ramoûnâ pas maou. "

(Cansous daou Rouyaoumé de la Tripayé, pèr P.J.A., 3).

Dans ces chansons " à usage interne ", les lieux nommés (ici la Valfère, déjà présente chez Roudil, la Rochelle toute proche) et les allusions personnelles renvoient à la notation scrupuleuse de la voix : à travers la différence du seul nom de la Bèoufèda / Véoufèra, d'un texte à l'autre, c'est un ensemble complexe de références qui se trouve à chaque instant suggéré. Les chansonniers montpelliérains - dont les activités s'étendent bien au-delà des cours coculaires (45) - font ici œuvre de témoins attentifs ; avec eux, la langue du lieu naît de la rencontre toujours rejouée des mille et une particularités d'un parler, et son unité est scellée par l'exhibition même de ces minuscules différences, dont l'imperceptible scintillation fait signe.

(44) Sur les cours coculaires montpelliéraines, cf. Enric de Bouquet, " Les divertissements carnavalesques de Montpellier ", Armanac Mount-pelieirenc, 1900-1901, p. 68-70, 73-74, 74-80. Et Jules Troubat, Nouvelles gaietés du terroir. Essai sur les Cours coculaires, Paris, Librairie de la Province, 1896. L'inventaire et le texte des recueils composés pour les cours coculaires montpelliéraines des années 1830-1850 figureront dans un ouvrage en préparation.

(45) Dans le Récul dé cansous pèr lou Rouyâoumé das Carmés (Montpellier, Isidora Tournel, s.d.) est nommé Hyppolite Roch, l'ouvrier ferblantier auteur du Portafuia de l'ouvriè (Montpellier, Gras, 1861) : 

" Lous troubadours van bén
Cantou parfaitamén ;
Y' avèn Jean dé Vérdèl
Aquél és lou pus vièl !
Falcou, Fâouquiè, Boudou,
Qué cantou d'âou miou :
Et pioy véndra l'Oustâou,
Aquél canta pas mâou ;
Hypolita dé Roch,
Aquél yés pas dé trop. "

 

Marcel Barral: Montpellier d’Isaac Despuech, « le Sage », à l’abbé Favre:   Les influences d’un milieu urbain provincial sur la production du texte littéraire occitan et français, aux XVII° et XVIII° siècles (RLR 1985 représ aicí in extenso). 

Ròch ( Ipolita) (1801-1872)

La renaissença mistralenca a Montpelhièr

L'intrada dau sègle XX

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